Convention Institut français & Ville de Marseille
CARNET DE VOYAGE
EN COLOMBIE 4 > février 2019
lundi 4 mars 2019
Nostalgia de los costenos
Rdv avec notre ami graffeur Pierrick alias Cart1. Grand moment d’émotion, de poésie… Cet après midi, il graffe une des fables. Il a choisi Le Corbeau et le Renard !
Imaginez à l’autre bout du monde, en plein carnaval, un graffeur invente une fable sur un mur de la cité !!
Son corbeau est noir au début puis est revêtu d’un gilet jaune et tiens dans son bec un fromage jaune… Sa tête est inversée et il semble dire : « vous m’avez eu une fois pas deux ! »
Il commence par les traits extérieurs, remplit son plumage en noir et avec une bombe et un embout spécial parsème du blanc qui fait tout le relief ! L’image en 3D nous apparaît…
On a tout filmé, sans se parler… Deux heures de temps suspendu !
Merciii Pierrick…. Tu continues à écrire l’histoire d’Esope et de La Fontaine
Apéro sur la terrasse de nos amis Rosnen et Tony. Rendez-vous incontournable du groupe de copains.
Sur cette terrasse, toutes les bonnes ondes de Barranquilla défilent ! On leur offre un set musical !!! Heureux ils sont, heureux nous sommes.
Et hop départ dans les rues, on marche ensemble vers le parc des Caraïbes.
Concert de Champeta, Cumbia empruntée de la musique des Caraïbes qui elle-même est empruntée aux rythmiques africaines ! Guitare et basse très caraïbe. Très dansant !! Alors on danse, on danse, on danse…
Non, on ne restera pas jusqu’au bout de la nuit car demain on travaille !!!
LUNES
On part dans deux jours, mission cadeau. Quand on arrive dans le centre on se rend compte que tout est fermé ! Hahahaha. C’est férié car carnaval jusqu’à mercredi !
Bon on arrive à trouver un peu de Palo Santo, ce bois saint utilisé pour éloigner les esprits pendant des rites chamaniques. Nos amis de Cofradia nous attendent car aujourd’hui c’est eux qui créent une fable. Ils ont choisi Le Rat des villes et le Rat des champs. Cela se passe à l’extérieur dans une petite cabane couleur jaune. Personnages qui jouent au domino et mangent des fraises… Génial, on adore !! L’imagination a beaucoup d’imagination !!!!
Grande réflexion, cela nous donne plein d’idées pour les fables. En tous les cas l’idée de demander à 200 personnes de faire une fable et de nous la redonner est vraiment excitante !! Que de rencontres d’univers nouveaux et différents !
S’en suit une immense discussion sur leur condition d’artistes ici. Le gouvernement les a aidé à acheter cette maison mais ne leur donne pas de subventions pour les travaux et le fonctionnement… Très très compliqué ….
Re-terrasse de Rosnen, re-amitié, re-musique et RE on sort tous ensemble au parc des Caraïbes !
Ce soir c’est Fandango, musique dansante (enfin, ici il n’y a que des musiques dansantes !) avec rythmique Cumbia sur des rythmes très chaloupés. Une Rueda de Cumbia s’organise !! Tout le monde danse en tournant autour des musiciens qui sont au centre !!! La danse est très codifiée, l’homme invite la femme en lui ouvrant les bras et celle-ci lui dit non en lui tournant le dos et en continuant à tourner autour de lui ! Très belle danse, très douce, très sensuelle… Et nous tournons, tournons, transe collective qui n’en finit plus ! Inspiration !
La ville est en fête, les gens dansent, rient, se regardent, se parlent, s’écoutent, s’embrassent, se serrent fort….
C’est beau une ville en transe….
Martes
Rdv avec Frédéric, le directeur de l’Alliance pour un bilan….
Wahouuuu .
Nos fables ont commencé à exister, on repart plein d’idées, de couleurs, d’émotions…en plein RÊVE-ÉVEILLÉ
Merci Frédéric !!!
Défilé des morts où tout le monde pleure… Petite déception car tout le monde ne joue pas le jeu et cela devient une parade « bizarre » où tout le monde s’habille n’importe comment… J’ai des fois la sensation que ceux qui défilent font la fête et que les autres regardent ceux qui font la fête !
Enfin ma vision du Carnaval reste toujours très confuse comme je l’écrivais précédemment ! Je ne suis pas touchée par ces défilés.
Une copine nous dit que la tradition se perd… grrrrr…..
Que tout est parti de la nostalgie des Costenos, habitants de la côte Caraïbe, descendant d’esclaves et qu’ils ont besoin de ne pas oublier. Mais comme toute tradition il y a ceux qui veulent que rien ne se perde et ceux qui ne savent plus pourquoi ils font ça…
Enfin ce qui est génial c’est cette allégresse ! Toutes ces fêtes autour du défilé ! Ces nuits où tout le monde ne pense plus mais danse joyeusement…. ALEGRIA…..
VOYAGES IMAGINAIRES SANS FRONTIÈRE……………
Ce dernier soir, nous voilà, sortant de l’immeuble, quand le portier nous arrête, nous montre son téléphone : « vous avez senti le tremblement de terre ? »
Devant nos regards inquiets, il nous dit : « c’est normal, c’est les pieds qui tapent la terre pendant le carnaval qui font trembler la terre ».
GRACIAS à toutes ces rencontres improbables…
Gracias à tous ces sourires, cette générosité du peuple colombien, aux Vénézuéliens, aux chauffeurs de taxis jaunes, aux graffeurs, à tous les artistes, à Shakespeare et notre Roméo en espagnol, à nos nouveaux amis, aux passants dans la rue, à Jean de La Fontaine pour ces fables, à la musique, aux danseurs inconnus, à vous qui nous lisez, à tous les équipiers de notre troupe de théâtre, à notre super TEAM de travail Nico , Lucie et moi…
Gracias a la VIDA…
samedi 2 mars 2019
C’est parti !!!!!
On a passé la nuit à faire nos costumes !!!
Rdv dans un super appart avec grande terrasse chez Rosenène ! Toute la comparse est là ! Tous les déguisements, masques, peinture sur peau sont au rdv ! Apparemment ils ont beaucoup fait la fête hier et sont déjà bien chauds ! hahaha !
Il y a en tout 1000 comparses ! C’est à dire 1000 groupes qui défilent avec chacun un thème, un sponsor…Nous sommes 400 personnes dans la notre et nous allons passer en 109ème ! Beaucoup d’étrangers, de gens venus de tous les pays, voisins ou plus lointains ! Habillés de nos grandes robes avec écrit P-A-Z, de grands chapeaux avec fleurs blanches, nous attendons !!!! Il faut dire que nous avons un vrai décalage culturel d’horaire ! RDV à 10h pour partir à midi hihihi
Un grand bus nous attend ! Une heure plus tard nous y voilà, devant notre camion-son décoré en gros œil ! Les rhums coco défilent toute la journée ! Je n’en prends pas, pour tenir toute la journée. La fatigue du voyage et du travail me rend méfiante ! haha
J’ai envie de tenir sur mes jambes, la journée va être looongue !!!
Grosse musique, tout le monde danse en attendant le départ du défilé qui partira deux heures plus tard ! Soleil, soleil !
Nico, Lucie et moi remontons l’immense rue, enfin un bout de la rue, pour voir les autres comparses qui se préparent aussi ! Un tourbillon de couleurs, de sourires, de cris, de musiques différentes!
A notre grand étonnement notre concept P.A.Z (une lettre par personne) marche bien !
Bon on doit toujours se tenir à coté dans le bon ordre car sinon ça vire au ZAP !
Très grosse émotion quand on se rend compte que tous les vénézuéliens viennent nous dire merci et nous prennent en photos…
Le mot PAIX résonne… La moitié des vénézuéliens sont des colombiens… Il y a une très forte immigration du Vénézuela , c’est vraiment des frères. Beaucoup de gens dans la rue qui se débrouillent de petits boulots, vente d’eau , de bonbons, de petits biscuits… en plus des colombiens qui, eux aussi pour certains, vivent de vente de nourriture et boisson dans la rue !!! Le top est donné, c’est parti pour trois heures de défilé en plein soleil au milieu de rues avec des tribunes ou une foule adossée derrière des barrières !
Vrai exutoire, ceux et celles qui défilent se défoulent ! C’est le grand jour pour tous ! A qui se fera photographier ou tapera dans les mains tendues de la foule !
Le rhum faisant effet ! Avec notre comparse on a l’impression d’être au milieu d’une gay pride ! Déjà parce qu’il y a beaucoup d’homos, et pour la variété des costumes, des couleurs, des paillettes, d’embrassades !!! Liberté ! Les autres comparses sont plus formelles, le même déguisement pour tous et une choré organisée ! Chez nous, ça va dans tous les sens ! Exutoire total, les corps se déchainent, ça crie, ça chante, ça danse ! Olé !
Seuls les musiciens qui nous suivent sont un peu ordonnés ! Quel courage ils ont !!
Une transe collective organisée ! Un rdv de joie ! Sûrement que ce rassemblement aide les humains à bien vivre ! hahaha
Pourquoi je dis ça !
C’est que quelque part avec notre recherche de « chercheur.se.s pour les fables », il y a quelque chose qui dérange, une forme de régression. On ne peut pas faire semblant de voir que les noirs sont en pagne ou déguisés en singe, les femmes en robe, les gens défilent en ordre… Il y a aussi « quelque chose » qui endort le peuple peut être !
C’est très paradoxal car la joie collective est nécessaire.
Grande réflexion…
Mon cœur est à la fête, mon esprit est en pleine confusion…
vendredi 1er mars 2019
Recherche…recherche…
Mission flûtes : les flûtes gaëtas, personnages principaux de la musique cumbia. Elles sont toujours par paire, mâle et femelle. Accompagnés d’un ami graffeur colombien, Nico et Lucie s’enfoncent dans le marché central au milieu des poissons, des poules, des légumes… sans rien trouver. Au bout de deux heures, découverte du magasin où il y a tout et de bonne qualité !!
Finition d’achats pour nos costumes…
Immense fou rire !!! Comment allons-nous nous déguiser ?! On fait partie de la comparse « Disfrasate como quieras » : « Costume toi comme tu veux », mais avec un concept…
On a trouvé de grandes robes longues blanches, grands chapeau blancs, grand tulle blanc ! On écrit une lettre sur chaque robe : P…A…Z…
Nico sera comme beaucoup d’hommes ici pendant le carnaval, en femme !!! Fou rire car on a très peu de temps…
Direction Porto Colombia pour aller voir la comparse de Manuel Sanchez, la « Comparsa teatral » ! Dans un petit village magnifique !
Surréaliste !!!
Des tableaux se succèdent sur le thème « femmes en résistance » : une femme en sainte, une femme prisonnière dans une cage menacée par la mort contorsionniste, une immense araignée en bois la suit, des échassiers, des masques comédia…une banda de musique…
C’est un vrai pas de côté ici ! Bravo Manuel !
D’autres comparses les suivent et grande est notre surprise de voir des hommes et femmes couverts de peinture noire avec des grandes bouches qui défilent en faisant des grimaces… C’est très choquant pour nous cette représentation des africains en style mythe du bon sauvage. Ici c’est très traditionnel et est fait pour rappeler la composition du peuple colombien qui descend aussi d’esclaves africains…
Dans cette même idée de mémoire collective il y aussi des indiens en pagne, des hommes déguisés en femme créole avec des corbeilles de fruits sur la tête, des petits filles avec de
Grandes robes sévillanes. Retour dans un bus made in Colombie. On rêve de nos Fables mais pour l’instant on a pas de choc révélateur… Laisser infuser…
Retour en taxi avec un monsieur qui travaille tous les jours de l’année douze heures par jour… Il a tatoué le nom de sa fille sur son bras gauche en immense pour se rappeler pourquoi il travaille autant.
Pendant ce temps la ville entière est au bord de l’explosion !!!
C EST PARTI POUR UNE SEMAINE DE FOLIE !!!!
mercredi 27 février 2019
Barranquilla, la cité de la salsa !!
Chronique du « Chercheur Musicien » Nicolas Delorme
« Première répétition : 6 h du matin. Quoi ? Sérieux ? oui oui. Bon.
J’arrive donc à 6h, avec mon instrument, dans la salle de répétition et c’est Alberto, le professeur de piano, qui dirige la répétition de l’ensemble de Salsa des beaux-arts.
Face à lui, la quasi totalité de tous les élèves que j’avais eu mardi dernier à mon atelier de saxophone.
Alberto m’invite immédiatement à prendre mon sax, ça à l’air très très syncopé tout ça dis donc.
Trois, quatre, c’est parti !
Boum ! Le choc ! Un Tempo démoniaque, un volume sonore ahurissant, une précision remarquable, des improvisations endiablées et tout ça en riant et en dansant sur la frénésie de la Salsa.
Durant six heures, trois orchestres se succèdent, toujours dirigés par le formidable Alberto. Je file à une autre répétition d’un orchestre professionnel cette fois.
L’orchestre SHEKERE !
J’arrive dans une salle immense, l’impression d’être dans un studio d’enregistrement américain de luxe. 20 musiciens, tous sonorisés, avec l’ingénieur son, le producteur et le photographe.
REBOUM ! Des malades du tempo. Je crois que je n’ai jamais entendu des trompettistes jouer si aigu et si vite. On est en répète et ils donnent tout, comme s’ils étaient devant 10000 personnes. Je les observe et je m’éclate.
Ca y est, je commence à prendre goût à la Salsa.
La répétition dure jusqu’à 22h, je dois partir avant la fin pour rejoindre Val et Lucie qui jouent le Roméo à Cofradia ! »
On a joué Roméo et Juliette chez nos amis de Cofradia. Bon comme c’est carnaval il n’y avait vraiment pas beaucoup de monde ! Déroutant pour nous !. On est là pour soutenir cette équipe qui démarre avec un lieu nouveau. Solidarité !
jeudi 28 février 2019
Journée de préparation en vue de la comparse ! Acheter des habits et les customiser !!!
On change d’appart et de quartier !
Nous voilà dans un grand édificio au 7ème étage avec une vue imprenable sur tout Barranquilla !!!
Le soir APERO à la CASA VERDE chez nos amis plasticiens Fernando et Emma !! Je joue de la BOX (petite boite à musique à manivelle !) et on fait un concert dans le jardin pour la fin du festival KILLART !!! J’adore !! Nos amis colombiens dansent la valse et chantent avec nous !
Départ avec notre groupe ! Pour un gros événement du Carnaval : la NOCHE DEL RIO musique BULLERENGUE . Plein de groupes se succèdent sur une grande place !! Tous en couleur, les femmes avec de grandes jupes. On rêve en les voyant danser en couple ! On dirait une parade amoureuse de deux papillons !!
mardi 26 février 2019
Des rencontres, encore des rencontres !
Voilà 10 jours sur le sol colombien et on dirait qu’on est là depuis trois mois !
Cette nuit j’ai rêvé qu’on devait jouer Roméo et qu’en fait il y avait plein de monde qui montait sur scène , plein de groupes différents comme des chœurs et que tout était mélangé, le style carnavalesque et des bribes de textes de nos spectacles !!!!
On a la tête remplie !!
Entre totalement pleine et totalement vide tellement il y a d’informations !!
C’est souvent comme cela quand on est en recherche de création ! Heureusement qu’on le sait car cela peut amener de la confusion : mais en fait on en est Où ?
Stage pour Nico le matin: on lui a dit qu’ils étaient huit mais en fait 25 donc 15 saxo. Il a fait jouer un morceau de notre fanfare la bipolaire. Travail de nuance ! Surpris du très bon niveau en impro jazz par rapport à leur jeune âge ! Heureux !!
Départ pour le musée de l’Atlantique en taxi jaune dans le sud de la ville, les quartiers plus populaires où ça grouille de monde, de vie, d’embouteillages, de petits magasins, de couleur. On va y retrouver Manuel Sanchez et son fils qui sont en train de répéter pour le carnaval ! C’est la comparse théâtrale ! La seule, je crois !
Ils font un grand pas de coté car leurs costumes sont inventés, crées et s’éloignent des traditionnels costumes du carnaval. Leur thème est « les femmes en résistance ». Ils sont partis des archétypes de personnages du carnaval pour s’en éloigner ! Nico et Lucie répètent la musque dans la cour avec Mingò ! Très, très belle rencontre !
Ils veulent qu’on joue avec eux mais… on a pleins de rdv et cela nous demanderait trop d’investissement !
Départ pour répéter la musique du soir chez nos amis Cofradia.
Comme dit dans un épisode précédent, ils ont improvisé un « Festival du Carnaval » avec en tête d’affiche eux et nous ou nous et eux !!!
Ce soir c’est eux.
Nous attendons le public et petit à petit mon coeur se serre… Il n’y a pas de public. Personne ne vient… Période de carnaval + communication + c’est payant = personne….
Ils joueront devant Lucie, Nico et moi… Solidarité avec nos amis artistes…
Leur spectacle est une adaptation d’une œuvre majeure de Gabriel Garcia Marquez. Trois (très beaux) personnages qui ont vécu les massacres de 1928 dans les bananeraies où des milliers de colombiens se sont rebellés car exploités par une entreprise américaine. Ils ont été durement réprimés par le gouvernement colombien.
Résultat, 1000 morts…
Pas facile d’être artiste ici…Ils ont beaucoup de courage…D’ailleurs Nivaldo le directeur de la troupe, ce soir a remplacé un des acteurs car face à tous les problèmes il a eu besoin de l’énergie vitale de la scène. Respect…
Retour en taxi. Le chauffeur nous raconte que des gens très catholiques partent de la ville pendant le carnaval. Pour eux c’est le démon qui s’empare de la foule…
Olé !
lundi 25 février 2019
Zoomez sur le mercredi à 10.00 hahaha la programmation !
Debout répèt !!!
Et hop un bon café et on s’y met ! Nico part chercher des instruments de musique et nous on répète Roméo et Juliette à la maison ! On joue mercredi à la Casa Cofradia. C’est reparti ! La mémoire est encore vive, on l’a joué il y une semaine ! OUF ! Cela change le voyage d’avoir une de mes mémoires occupée par un texte ! Comme les musiciens j’imagine, le texte se promène dans ma tête le jour et la nuit…
Premiers essais des Fables de la Fontaine à la caméra ! On choisit au hasard une fable et on la rêve ! Je ne sais pas pourquoi notre travail s’est orienté sur une dissociation du corps. On voit seulement les pieds ou les mains ou la tête !!! En impro, on filme direct !! Fou rire !
Départ, caméra à l’épaule voir le processus de création des graffeurs ! On a des superbes vidéos !!! Notre préféré, Pierrick Cart1, a presque fini son ange, inspiré de “el principito”, le petit prince ! Magnifique…
Valentin Alias2.0, le beau voyageur, fait son deuxième graff. Pas évident avec le vent qui souffle, depuis notre arrivée d’ailleurs ! Un son qui ne s’arrête pas entre les voitures qui klaxonnent, les bus, les cris… Lucie enregistre des ambiances avec son zoom.
Patrick Da Cruz, a commencé le mur d’à coté !! Gigantesque hymne à la couleur ! Un flash dans la ville !!
Jonathan alias Minga Urbana, artiste Barranquillais très coloré et joyeux, a fini son mur inspiré du Carnaval et en commence un autre !
Nico, lui, compose des musiques, casque sur la tête, avec son mini piano ! On vient de lui prêter une guitare !
Passage à l’Alliance, conférence sur l’art dans l’espace public ! Olé !
Et repas-discussion-cerveza !!! Tous les sujets sont abordés ! On est avide de comprendre le fonctionnement de ce gros carnaval ! Et ce n’est pas facile ! On ne sait toujours pas dans quelle « comparse » (groupe) on va défiler !
En rentrant à pied dans la nuit enfin silencieuse, on croise Fernando de la Casa Verde qui fait un déménagement sur son trottoir !!
Hahaha, on dirait qu’on habite ici !!
Mais oui aujourd’hui on a notre famille barranquillaise !!!
Douceur !!!
samedi 24 février 2019
Essayer de ne pas se lever tard quand on se couche tard !!!
La journée de ce samedi commencera en début d’après-midi !
Recherche d’instruments de musique traditionnels pour Nico et Lucie. De portes en portes ! Ils ont, entre autres, rencontré les papis accordéonistes qui vendent des morceaux de musique aux touristes ! Ils font le tour de la ville ramenant zéro instruments mais beaucoup d’adresses ! Nous continuons à suivre avec passion la route de Pierrick alias CART1. Son ange immense naît sous nos yeux… Grand perturbateur du réel !!
Nous parlons beaucoup du Street Art qui existe depuis 40 ans mais qui n’est toujours pas reconnu sauf pour certaines stars qui basculent dans le marché de l’art contemporain !! Et pourtant, les murs de cette ville témoignent de cette poésie, décalent notre réalité ! Je ne vois plus Barranquilla comme une suite d’immeubles mais une suite d’histoires qu’on nous raconte !
Patrick alias DA CRUZ n’a lui ni échafaudage, ni échelle. Pas grave il a l’air de bien s’adapter, du coup il travaille avec des immenses perches télescopiques et il fait tout au rouleau !
Nous rêvons de fables en grand sur les murs.. Rappelez vous qu’un des objectifs de ce voyage est « le premier laboratoire des Fables De La Fontaine », notre prochain spectacle, et que nous sommes partis pour étudier le Carnaval !
Sur notre route cette immense chance de rencontrer de belles personnes graffeurs ! Et de belles œuvres !! Notre route bifurque ! On installe notre pied de caméra devant le processus fascinant de leur fabrication… pure poésie… On resterait bien à rêver en grand mais la musique, le théâtre, le carnaval…nous appellent ! Rdv à l’Alliance pour la fête de KILLART, on en profite pour jouer dans la rue de la musique ! Succès !!! On est payé par bouchons de Rhum !
Nico intervient à une heure du mat avec le graffeur Valentin alias ALIAS 2.O qui mixe ! Bravooo Nico, grande classe !!
Dimanche sera un autre jour, mañana será otro día…
Petit à petit on distribue des Fables à chaque artiste qu’on rencontre !
A la casa Cofradia c’est l’effervescence ! Cette nuit Nivaldo a décidé de faire son carnaval chez lui en nous programmant mercredi avec Roméo ! On a beaucoup d’invitations pour jouer, on doit choisir !
Nous partons avec Nivaldo à la « fin du monde », à la Boca de Ceniza. Très près de la ville une digue sépare la mer des Caraïbes du fleuve Magdalena et on y va seulement en Wagonnet !!!! Et là on entre dans un film !!
De chaque coté de l’eau, les rails sont très vieux, nous sommes assis à l’air libre ! On pourrait retourner Le Mécano de la générale de Buster Keaton mais sans locomotive !
La route n’en finit plus, le bruit est intense entre le moteur (diesel à bord) et le vent… Tourbillon de soleil, de beauté…On finit à pied sur des cailloux érodés par l’eau mélangés à des déchets plastiques échoués. Le chaos esthétique. Au fin fond la mer et le fleuve se confondent. Arrêt sur image…
vendredi 23 février 2019
LA VILLE EST EN FÊTE
Notre laboratoire de recherche est à fond !! Dès le réveil, hop, organisation ! Ecriture, répet musique, carnet de voyage, échanges… Un régal ! Lucie, Nico et moi, un trio de guerriers éveillés !!
Bon Nico est un peu déçu car il devait donner un stage de musique. Le voilà sur le départ quand… hop c’est annulé et reporté !!!
Il pose son sac à dos, et… adaptation !!
C’est le mot du voyage ! Cette fois-ci la patience est moins mise à l’épreuve qu’en septembre. Peut -être ai-je évolué et peut être me suis-je adaptée ? héhé
Départ à la Casa Verde où on retrouve Fernando et Emma, deux artistes plasticiens qui nous avaient logées la dernière fois avec Pépita !
Dans leur jardin fascinant, nous revoilà dans le monde de l’art plastique…. Emma sort ses travaux de collage.. Des mandalas Pop urban. Du travail délicat pour une délicate personne !
On leur pose plein de questions sur nos recherches. Ils nous racontent plein d’histoires sur le carnaval et nous donnent les rdv importants à ne pas manquer. Ils sont heureux et nous reçoivent comme de vieux amis…Chaud au cœur…
Le lien humain, la relation, la spontanéité est si facile ici !!!
Il faut dire aussi que l’ambiance est très très particulière puisque nous sommes en pré-carnaval !
Tout le monde ne pense qu’à ça !!! Ne parle que de ça !!
Et c’est très insolite !
Une ville entière tournée vers la même direction : la FÊTE !!!
Retour vers le mur de Pierrick , alias Cart1 ! Wahouuuu on est impressionné, maintenant c’est du travail d’ombre ! Son ange penseur et rebelle prend forme !
Rendez-vous pour voir la Gacherna. La circulation de la ville est bloquée dans l’après midi pour un rdv le soir !
Rdv incontournable de pré-carnaval où les comparses (équipes) défilent !!!
Un monde fou derrière les barrières ! Et oui, grosse ville, des milliers de personnes et donc on est derrière, assis sur des chaises en plastique payantes ou debout pendant 4h. Haha !
On attend, on attend, on s’assied, on attend !!!ha, la foule se met à hurler !!!
Le défilé commence !!! Les militaires, la police, les pompiers…la reine du carnaval, et les danseurs ultra-colorés…
Comment dire ?
J’avoue que je n’imaginais pas ça !!! J’ai l’impression d’être 50 ans en arrière ! Je croyais, à tort, que les formes esthétiques étaient plus contemporaines .
C’est très traditionnel, folklorique, simple et c’est le bonheur pour tous !
Et SURTOUT c’est LA FÊTE !!!!!!
Les gens sont fous de Joie !!!! Un exutoire ! Une catharsis collective !
On rejoint notre bande de graffeurs à l’inauguration d’une brasserie ! Changement de genre ! Musique électro, personnes plus « branchées » !! Cerveza, cerveza..On part dans la rue pour une autre fête ! C’est génial !!!
Je crois que comme c’est Carnaval , on peut se balader tranquille en pleine nuit !!! Bon, bien sur, pas dans tous les quartiers !!!
Et hop on passe par une place où tout le monde danse, déguisés !!
On rentre dans une fête privée ! Cerveza ! Olé
Brochettes sur le trottoir pour calmer la faim..
On rentrera à pied car tous les taxis sont pris !!
C’est beau cette ville la nuit, on croise pleins de personnages costumés, d’enfants, de mamans, de papis, de mamies….
Le taxi qui enfin nous prend pour les 100 mètres qui nous restent nous demande tout de suite :
« alors la Guacherna, vous y étiez ?
- Claro que si !!
- Vous avez vu, toutes les classes de la société qui sont là et se mélangent ! Il n’y a plus de couleurs de peau, de pauvreté, de richesse…. Tout le monde porte un masque de Joie »
Il est près de trois heures du matin et suis très émue…
Gracias a la vida !!
vendredi 22 février 2019
Ca y est Nico est arrivé !!
A deux heures cette nuit !!! retard, retard….
On va se déplacer à trois, voire plus, car on a des amis !!!
J’adore cette idée, le tel sonne seulement pour des amis colombiens !!
Même pas une semaine et on déborde de rdv !
Que Alegria !
Répétition a casa pour jouer ce soir à l’inauguration de KILLART (festival international de graffeur)
Arrivée à L’Alianza Francesa, on se pose deux secondes et un monsieur nous serre la main.
« Soy Alberto ! Je dirige un Big Band de salsa…
Venez, il y a un piano plus haut »
Incroyable, nous voilà devant le piano avec ce monsieur qui nous explique le pourquoi du comment de la salsa.
3 temps, 2 temps ou 2 temps, 3 temps.
Il nous fait taper dans les mains hahaha !
Nico et Lucie improvisent avec lui
Quel bonheur de voir ce monsieur si heureux de nous initier !!!
La magie ordinaire…
On doit jouer de la musique mais l’événement prend une toute autre forme ! hahaha
Musique électro très forte, public très jeune, street art….
Changement de plan, on va jouer dans la rue !!
Et hop nous voilà dans un petit bar entourés de gens de la rue !!
Excellent ! Gros succès !! On est bien là !
Départ vers le mur de Pierrick alias Cart1 , on fait équipe ! Il va projeter son dessin avec vidéo sur le mur d’une entreprise de cerveza.
est total fans !
On finit au Bunt, dans le patio, on sort nos instruments mais une discussion torride sur le street art et le monde des graffeurs l’emporte, avec Patrick alias DA CRUZ et Pierrick !!!!
Heureux, heureuses, nous sommes…
mercredi 20 février 2019
Ha ha.
Levé à 7 h. Course au métro avec ma valise géante. Gare St Charles fermée. Métro fermé. Retour arrière. Appel de taxi. Je monte. Taxi en panne ha ha. Deux heures après me voilà enfin prêt à prendre le bus pour aller à l’aéroport ! Heureusement je prends toujours beaucoup d’avance. Haaaaa les départs !
À toute !
Nico
C’est le texto de Nico que nous recevons au réveil !
Hier on a cherché des tapis de yoga sans les trouver et hop on rentre chez nous et on entend des chants au dessus de nos têtes venus de l’au delà ! C’est la voisine qui donne un cour de yoga Kundalini !!! Aujourd’hui elle nous entend répéter la musique et passe direct nous voir, ravie.
Tout le monde nous salue et nous ouvre la porte et le cœur !!!
Nous habitons dans un immeuble où tout le monde se connaît .
Panne de gaz, et hop au troisième chez Diana qui nous fait des pâtes ! Et qui nous raconte la vie de Barranquilla !!! La corruption, la violence, l’arrivée des vénézuéliens et l’amour pour cette ville…
Tout le monde vit pour LE Carnaval ! Chez elle une vitrine avec tous les apparats de cette grande fête ! Chapeau, flutes, photos, livres…
C’est parti pour les répétitions chez nos amis de Cofradia ! On se replonge dans le texte du malade imaginé. Remember, il y a deux ans nous sommes venus pour transmettre notre spectacle et depuis on revient pour continuer la passation.
Cette fois-ci c’est nouveau…Adaptation… Andréa qui a le rôle principal travaille à la télévision et n’est pas disponible ! Nivaldo le directeur du théâtre a décidé que Pao reprendra son rôle quand elle ne sera pas là. Et hop nous revoilà avec Angélique, Béline, Toinette .. de Molière !
Je suis très concentrée, Lucie écarquille les yeux. Elle suit mais elle ne comprend pas tout ! Son regard neuf est important ! Chaque fois que je travaille ici, je vais à l’essentiel « très » vite ! Pourquoi ? Nous n’avons pas beaucoup de temps ensemble et j’imagine qu’en donnant pleins d’idées, une va faire tilt dans la tête et le cœur de l’artiste
On part en courant après la répet car on est déjà en retard pour le lancement de KILLART, le festival de Street art !
Taxi ! Hop tout près du fleuve Magdalena on retrouve l’équipe de graffeurs qui ont commencé un immense mur ! Génial concept ! Pierrick le directeur artistique tague la voiture de Frédéric le directeur de l’agence ! Des échafaudages de fortune se montent pour passer la première couche ! Wahouuuuuu !
C’est magnifique, romantique, insolite, inspirant … ces murs de cette vile qui depuis 5 ans se recouvrent de graff poétique !
Adieu le cours de yoga on part visiter une maison où nous attend un couple de monsieurs insolites et fort sympathiques. Ils louent leur maison et ils habitent au Mexique. Lui est climatologue et lui Psychologue de crise… La planète en a pour vingt ans…Surtout ne pas faire d’enfants.. Danser, chanter, aimer…Après deux cerveza on oscille entre l’espoir et le « je ne veux pas l’entendre »… On propose au climatologue d’être co-créateur d’une fable. Son compagnon nous dirige vers la meilleure prof de Cumbia de la ville !
Départ pour le BUNT , patio où se réunit une des comparses (équipe qui défilera au carnaval), cerveza, petit repas, musique, des pas de danse….
Tourbillon…
On rentre et on attend Nico qui nous dit qu’il a failli raté son avion à Bogota… Il est minuit…
mardi 19 février 2019
Hier journée OFF, on n’est sorti que le soir ! hahaha ça n’arrive jamais !
Très beau rdv avec Pierrick Segerie alias Cart 1 qui a initié le festival KILLART qui commence Mercredi !!
Festival international de Street Art organisé par l’Alliance Francaise !
Gros défi, graffer des murs de la ville avec l’accord des entreprises ! Et du coup il y a pleins de super graffs partout !
Lucie a proposé de graffer une des fables de La Fontaine sur un des murs de Barranquilla.
Il est partant !
Barranquilla bouillonne !!! On sent la préparation du CARNAVAL dans chaque rue !! Tout est coloré, les arbres sont en fête !
Visite du musée du carnaval, incontournable rdv ! Magnifique patio haut en couleur où se réunissent toutes « les comparses » ( groupes qui défilent) pour leur accréditation ! Il y en a minimum 600 et dans chacun il peut y avoir de 2 à 50 personnes !!! 20.000 personnes vont défiler ! wouhou
Plusieurs « cumparse » nous sollicitent déjà pour défiler. On a déjà choisi notre groupe, on vous le dira plus tard.. !
Le carnaval de Barranquilla est un beau mélange de culture ! Afrique, Europe et des peuples premiers !! Des masques de tigre se mélangent à des robes de Cumbia qui ressemblent aux robes de flamenco et la flûte se décline en musique enivrante ! La cumbia et le garapado se dansent dans toutes les rues !!!!
SUSPENS……
On va se faire manger tout cru… hahahaha !
dimanche 17 février 2019
Et voilà c’est reparti ! Nous revoilà en Colombie, à Barranquilla pour vingt jours !
Projets multiformes : jouer Roméo en espagnol, continuer le travail de transmission avec nos amis de la compagnie Cofradia et faire un laboratoire de recherche sur les formes carnavalesques en vue du prochain spectacle : Les Fables de La Fontaine !
OUF, gros programme qui va se modifier au fil des jours colombiens !
Descente de l’avion, chaleur humide. Appart près de Bellas Artes, sympa même si sans jardin ni terrasse, au rez-de- chaussée… propriétaire très sympa ! Elle va nous ouvrir les portes du carnaval ! Voisine très géniale et insolite, une Française qui travaille entre autre dans les prisons de Barranquilla. Gloup! “où ?”, dit-elle, elle n’a jamais vu une si grande corruption. Elle a monté son agence en conseil humanitaire !!! Elle imagine un défilé en jaune en lien avec les gilets jaunes…. Sa copine est DJ, belle rencontre !!!
On joue le lendemain de notre arrivée donc très peu de répétition. Nouvelle forme, c’est Lucie qui remplace Pépita dans le Roméo et Juliette.
On ne peut pas répéter chez nos amis Cofradia samedi donc répèt à la maison !!
Retrouvailles joyeuses avec Frédéric et sa famille, le directeur de l’Alliance, Jorge le coordinateur culturel et ….. nos amis de Cofradia Nivaldo, Pao et Brandon…
Ca y est on a retrouvé nos familles colombiennes !!
On apprend en arrivant qu’on va jouer sur une scène dans un parc devant 2000 personnes !!!
La salle de la faculté a été prise par des manifestants (un étudiant a été tué récemment) et le repli s’est fait au parc des Caraïbes.
Quoi ? Quoi ? QUOI ?
Mais Roméo c’est tout petit ! Et c’est une petite version d’une demi-heure..
Bon OK, bien sûr, of course, on s’adaptera toujours !!!
L’aventure a commencé !
On va voir le lieu la veille.
Effectivement c’est un lieu de concert en plein air! Grosse scène, gros écran … Gloup!
On dort peu, préoccupées par l’histoire d’amour de Roméo. C’est qu’on a joué il y a à peine deux jours Antigone donc la mémoire doit switcher vite !!!! En espagnol !
Dimanche
Répétition chez nos amis Cofradia , UN seul filage et c’est parti !!!
Un bus vient nous chercher et là… on rentre dans un autre monde, le monde des rocks stars ! hahaha
Nous attendent sur scène 20 techniciens à fond autour de nous ! Un sytème HF est installé en trois secondes sur l’accordéon de Lucie. Moi j’ai un très bon micro HF et c’est parti !! Je dessine un
sol en scotch avec écrit en gros AMOR…..
Wahou !!!! Bon on va dire que les sourires de tous sont encourageants !!!! Il y a déjà du public épars qui assiste à la répet !!
On joue dans une heure. Hop on entre dans notre tente climatisée pour se préparer. Tout va vite !
On nous propose un Whisky avant d’entrer sur scène !! hahahaha
Et là les tops au talky sont donnés, puis redonnés et on nous pousse sur scène !! GROS TRAC
Je me cache dans la malle et des techniciens viennent l’apporter sur scène !! Lucie fait une très belle entrée du coup toute seule, sur l’air d’Indifférence de Minvielle !!!! Je la laisse jouer et hop je commence !!!!!
Je sors de la malle et une foule bienveillante nous attend !!!! Le coin VIP devant est souriant et le public répond aux avances de Séraphin ! De gros écrans de chaque coté de la scène retransmettent !!!!!
Wahou ça marche ! Séraphin est décontracté, concentré et heureux !!!!!
Je me trompe mais ça les fait rire !!!
Un gros succès !!!!!!
A peine fini les reines du carnaval entrent sur scène (ça donne l’impression d’être sur un plateau télé) pour nous remettre des masques d’animaux !!!
On est sur un petit nuage et on boit volontiers le whisky proposé en sortant hahaha interview, photos, bises des directeurs du festival…
On a assuré
OUF!
Après nous, YURI BUENAVENTURA… et oui !!!!!!
Puis de la cumbia-Jazz-fusion, issue de la rencontre entre Charles Mingus et la cumbia colombienne…
EMOTION EMOTION
GRACIAS à ce Magnifique festival (crée en 2007) dirigé par la fondation LA CUEVA .
La CUEVA est née en 1954 avec « le groupe de Barranquilla » qui se retrouvait dans le restau du même nom autour de la poésie et de la littérature, dont faisait parti entre autre Gabriel Garcia Marquez et le directeur de La Cueva Heriberto Fiorillo (journaliste cinéaste qui a été directeur général du journal El Heraldo).
On finit la soirée à La Cueva en parlant de la nécessité de l’art et du muscle de l’imagination…
Tout est à créer à chaque instant…
JOURNAL DU VOYAGE EN COLOMBIE 3 > septembre 2018
lundi 17 septembre 2018
Arrivée dans la nuit ! Long voyage ! Avec Pépita Car nous allons jouer le Roméo et Juliette en espagnol et continuer à répéter avec nos amis de la Cie Cofradia. L’aventure a commencé il y a plus d’un an quand nous sommes venus « donner » un de nos spectacles à une compagnie colombienne ! Nous retrouvons nos amis à l’aéroport ! Cette fois-ci Nivaldo , Brandon de la Cie et Frédéric Robinel, le directeur de l’Alliance française sont au rendez vous ! Gracias ! Nous allons directement dans « notre chez nous » à la CASA VERDE, maison d’artistes plasticiens ! Le décalage horaire nous berce toute la nuit que nous étirons jusqu’à tard le matin ! Rdv l’aprem dans le nouveau lieu de la Cie ! Incroyable, ils viennent d’acheter une grande vieille maison près de Bellas Artes ! Magnifique lieu qui va leur demander beaucoup de travaux et de courage ! Vive les artistes résistants… Toute la troupe est là !! Emploi du temps des deux semaines fait, nous commençons directement avec les répéts de Roméo !! Andréa nous tient le texte, Pépita à son accordéon ! C’est parti !! Nous allons diviser les jours en deux repets : matin le Roméo et apres-midi « el enfermo imaginado » et nous jouerons les deux spectacles dans deux semaines !!
mardi 18 septembre 2018
La plus belle histoire que j’ai entendue depuis longtemps.
Ici à Baranquilla dans un vieux bar, dans un vieux marché populaire le dimanche des papis viennent avec leur petit oiseau en cage pour faire des concours de chant ! Ils arrivent avec leur cage en sac à main et se promènent pendant la journée avec. Ils amènent leurs compagnons de chant à leur travail pour les faire répéter !
Peut-être savent-ils déjà que 30% des oiseaux de la planète ont disparu…
C’est beau, c’est émouvant et c’est poétique !!
Au cœur de la ville, des artistes se battent pour l’Art à chaque seconde ! C’est plus qu’une survie, c’est une passion irréversible. Bien sûr, pas de système d’intermittence , pas d’aide !
Et pourtant nos amis de Cofradia viennent d’acheter une grande maison. Le gouvernement a aidé 7 lieux dans le pays dont le leur. Il finance 80% et la compagnie le reste. Je ne vais pas donner les chiffres mais cela semble impensable vu de France !! La compagnie doit payer énormément en 5 ans !!
Comment peuvent-ils ainsi « miser » sur le Théâtre dans une ville qui n’a pas de lieux de théâtre et donc pas de public éveillé…
Parce qu’ils y croient, parce qu’ils travaillent comme des fous passionnés !! Total respect !
Dans deux weekends, c’est l’inauguration de leur lieu !!! Ils cherchent de l’argent toute la journée ! Aujourd’hui nous n’avons pas répéter car Nivaldo , le directeur de la Cie n’a pas pu se libérer pour nous rejoindre !
Nous avons continué à répéter avec Pépita dans cette chaleur torride !!
Brandon, un des acteurs est revenu tout penaud de l’université. Les profs sont en grève car ils n’ont pas touché leurs salaires. Est-ce le nouveau gouvernement ou l’université qui n’a pas redonné l’argent reçu ?…
Comment se battre contre la corruption ?
Nous sommes pris dans un tourbillon…. Et nous sommes heureuses d’être là avec nos amis pour leur donner autant qu’on peut un souffle d’énergie !!! Très belle soirée où on retrouve notre ami Jorge, le coordinateur de l’Alliance et Frédéric dans un beau lieu artistique ! Nous échangeons vivement sur le sujet des artistes en Colombie et dans le monde et nous essayons d’expliquer à Jorge le système de l’intermittence ! On est si loin d’eux au niveau des aides !! Et en même temps il y a chez nous aussi tant de personnes qui sont en grande difficulté… Belle, grande, émouvante journée ! Allez on va se coucher pas trop tard en se souhaitant de dormir car la nuit passée avec le décalage nous étions debout à 4h du mat !!
mercredi 19 septembre 2018
Les nuits sont aussi longues que les jours !!! De petites insomnies en petites insomnies j’ai l’impression de travailler aussi la nuit ! Voilà deux jours que je me réveille en me disant que non, nous n’allons pas jouer dans la rue, que le décor, que la grande liste…. Nivaldo va inaugurer son lieu le weekend du 28 et souhaite qu’on joue notre Roméo devant chez lui dans une rue passante. « Facile on a des micros ! » Notre travail est intime, demande de l’attention ! Une voiture ou deux ou dix et on va lutter pour rien !! C’est décidé, je l’ai dit ce matin !! Alors où allons nous jouer ? A l’intérieur !! Il faut savoir que la température est au sommet, ressenti 40 degrés ! Que leur maison n’est pas encore en travaux et est très vétuste. Bon on va convoquer les dieux du Théâtre, des ventilateurs et fabriquer des abanico (éventails) C’est confirmé aussi (bien qu’on ne sait jamais ici ce que sera demain !! et c’est bien aussi) : nous allons jouer à Cartagena le 26. On partira dans la journée et on joue dans l’aprem ! hahaha ! Cela sera notre 1er avec Pépita !! C’est l ‘aventure !
Quand nous arrivons ce matin, Nivaldo et Andrea répètent ! Sorpreza ! Ils n’ont pas joué depuis Avril et la mémoire est à peu près là ! Par contre le jeu est très en dessous : la finesse, l’émotion, les nuances, les ruptures…
A midi subitement tout s’arrête, ils partent ! Reste la fidèle et si sérieuse Pao.
Pao est la femme de Nivaldo et elle est l’équilibre de la troupe.
Rdv à 14h pour recommencer, ils arriveront, pas tous, vers 16h !!!
Adaptation !! Pépita fabrique le décor de Roméo et me regarde avec des grands yeux étonnés !
Mais ils sont où ?
Je ne sais pas ! Ce que je sais c’est que quand ils sont là, il ne faut pas attendre et travailler directement.
Pépita va remplacer un acteur toute l’après midi et on rigole beaucoup !! Elle a vraiment le sens de la scène et même en espagnol texte à la main c’est un vrai clown !
Ce soir on reste à la maison, épuisées, transpirantes, collées à nos ventilateurs !!
jeudi 20 septembre 2018
Valérie s’est réveillée à 5h du matin, chaleur et décalage horaire, et moi j’ai essayé de me rendormir toute la nuit aux rythmes des aboiements de Mathilde et Joséphine, les deux chiens de Fernando …
Ce matin, on répète de nouveau Roméo et Juliette pendant que nos amis colombiens s’affairent à un million de choses en même temps ! Mais que font-ils ?
L’après-midi, direction leur ancien lieu, qui s’avère être aussi la maison de Pao, Nivaldo et leur fils Jeronimo. Ils ont installé leurs chambres dans le bureau de La Contabilidad et La Direccion pour économiser un loyer pour leur nouveau lieu, investissement financier sans fond …
100000 préoccupations. On apprend le soir par Brandon (un des jeunes acteurs de la troupe) et autour d’une pizza qui coûte trois aller-retour en taxi, qu’il n’est pas question que de théâtre dans cette compagnie. Tout d’abord c’est « una familia de teatro » où ils se choisissent mutuellement et décident de grandir ensemble tout en étant libres d’aller voir ailleurs.
Puis, il nous raconte qu’ils sont aussi engagés dans un programme social qui subventionne des stages professionnels pour des jeunes des quartiers les plus défavorisés de la ville. Ils ont postulé et réussi à accueillir trois jeunes et brillantes filles. Financé par une banque, ce programme dure seulement un an, et il faudra trouver un autre financement pour l’année prochaine. Mais pas question de se séparer de las ninas qu’ils décident de garder avec eux. Ils financeront une partie de leurs études (d’art !!!) et des repas mais « elles ne disent pas tout le temps quand elles ont faim », « elles font attention » … et la famille s’agrandit !
Ils le rêvent, le dessinent, travaillent et réussissent à l’avoir, enfin à avoir les murs et l’emplacement. Mais maintenant il faut le faire vivre, hay que mantenerlo ! Et pour cela, ils doivent rechercher de l’argent tous les jours. Dans deux semaines ils l’inaugurent, mais les caisses sont vides et il fait trop chaud, alors il faut trouver des solutions et ils réussissent à convaincre une entreprise de leur donner des clims qu’ils payeront plus tard. Pareil, pour les peintres qui tapissent de blanc les trous de chaque pièce. Et le camion qui déplace le décor. Mais au moins ils réalisent leur rêve et sont prêts à tout pour ça !!! Quel courage, quelle force ! Ils sont magnifiques !
Pépita
vendredi 21 septembre 2018
C’est décidé, nous ne partirons pas demain en weekend dans le parc Tairona sur la plage de los Angeles ! Destination de Rêve des Caraïbes à deux heures d’ici. Il y a trop de travail et quitter le bateau même pour deux jours nous semble un peu périlleux !!!
La journée va nous donner raison ! Rdv au matin dans l’ancien lieu de la Compagnie pour répéter el Enfermo Imaginado. Taxi jaune qui nous fait traverser la ville avec une musique cumbia, nous sommes ravies. A peine arrivées, Nivaldo nous dit qu’ils doivent partir car ils ont un problème à régler ! Et qu’ils seront là promis cet après midi. Ok nous allons répéter le Roméo sans décor. Nous mangeons sur place, et décidons de ne pas les attendre et de continuer à travailler ! En fait seul deux acteurs arriveront vers 16H30, Nivaldo et Pao ne reviendront pas. Nous faisons une séance de travail d’acteur sur un personnage en particulier, celui qui demande le plus d’émotion. Pas évident pour Brandon qui est un acteur très physique avec un corps de danseur de se lâcher pour vibrer. Petit à petit on avance. Trouver à chaque fois l’idée, la bonne idée, pour que l’acteur puisse comprendre dans sa tête et dans son corps. Pas toujours facile même si je me sens très inspirée avec eux. J’adore la direction d’acteur, chercher la finesse, la rupture, l’émotion au fin fond du corps et jongler !
Un travail de chercheur d’âme car un acteur doit être réellement habité par son personnage sinon on s’en fout !
Nous partons pour un rdv avec le technicien au nouveau lieu. Comme il a beaucoup de retard…. nous le l’attendons pas et rentrons prendre une douche. Journée de PATIENCE et de compréhension. En fait ils ont eu un gros problème avec la banque et ont mis toute la journée à le résoudre. Ils ont trouvé une solution. Ouf ! Ils sont sur un fil avec cet immense projet et rien dans les poches !
C’est LA réalité ici et ailleurs : chercher de l’argent tous les jours pour demain. ET continuer à croire en l’art qui nous élèvera…
Du coup on a pas répété avec le groupe entier ! Et …. Il y a du travail !! On va faire une pause samedi et on répètera dimanche ! Ne rien lâcher !
Super soirée au Bount avec Frédéric et Jorge qui viennent nous chercher ! Pao et Nivaldo nous rejoignent. Sentiment de petit bonheur d’avoir des amis ici !!!
samedi 22 – dimanche 23 septembre 2018
No fin de semana porque necesitamos trabajar! On décide de ne pas lâcher le bateau, adios las playas, et on répètera dimanche. Ensayos generales, filages, de Romeo y Julieta y del Enfermo Imaginario.
Samedi plus tranquille. Le soir on devait aller à une fête organisée par les étudiants de los Bellas Artes en soutien à un vendeur de rue de bonbons de 70 ans qui n’a pas l’argent pour son opération des jambes. Action caritative annulée car la lumière a été coupée dans leur appartement à défaut de l’avoir payée.
Le vieil homme nous rejoindra chez Fernando avec son mini magasin ambulant et toutes ses histoires de vie qui retombent toujours sur les pattes de la corruption terrible de ce pays et la violence qui en découle. Il se fait souvent arrêter par la police, sans raison, qui lui rançonne son maigre pactole. Fernando aussi s’est déjà fait arrêter par la police car il portait un short à la plage (!!) et a été accusé d’exhibitionnisme. Il a été menotté, frappé et relâché seulement après avoir payé. Et les histoires comme celles-ci sont courantes.
J’apprends en même temps que mon ancien chez moi (Gatineau / Canada) vient de se faire ravager par une tornade d’une ampleur sans précédent.
Profitons, nous privilégiés, de chaque instant de notre magnifique vie !
Pépita
Dimanche matin, répétition du Romeo dans le nouveau lieu ; Ca s’affaire, tout le monde est sur le pont ! Dans une semaine, ils ouvrent leur lieu et pour l’instant rien n’est prêt. Nous n’avons pas la même temporalité ! C’est sûr ! Et je suis sure que ça va être génial !
Après midi dans l’ancien lieu, grosse répét del enfermo imaginado ! Ils avancent bien, Andréa l’actrice est vraiment fascinante !! Filage le soir! Yes, c’est vraiment pas mal !
On repart avec Nivaldo et oh surprise il décide de nous faire le tour de la ville. Nous partons dans des quartiers sombres, c’est la nuit, des petites charrettes tout le long des rues cabossées servant à mettre les fruits à vendre le jour. Des rues sans lumière, des « micro narco trafiquantes ». Des personnes qui errent. On continue le tour vers el rio, le fleuve et là sorpreza «un bord de mer» comme on en voit partout vient d’être construit !! Incroyable, pleins de « touristes » de la ville, des jeunes branchés, des couples amoureux, des personnes âgées regardant passer tout ce beau monde !! A l’opposé des rues sombres et de l’immense pauvreté…
Valérie
lundi 24 – mardi 25 septembre 2018
TYBALT: Patiencia impuesta contra violenta ira que al encontrarse, tiembla toda mi carne. Voy a retirarme pero esta intrusión que ahora les parece inocua se volverá rapidamente el veneno más amargo.
Je crois que Tybalt n’aurait pas mieux pu parler pour témoigner de notre état face au choc des cultures concernant le rapport au temps et aux rendez-vous …
Ce matin, Valérie se lève aux aurores car elle passe à la TV à 08h du mat !
Entre temps sur whatsapp …
08h40 – Valérie
Coucou, tu peux dormir encore ! On est pas passé ! Puis,après, on va faire une radio rrrr
Bon on le fait pour eux !!!
Dis moi ! Peux-tu aller au nouveau lieu et voir pour le décor ? Normalement on fait un filage public à midi avec Hugo (« notre » régisseur que l’on a encore jamais vu !) Peut-être tu prépares tout et j’arrive ? J’espère arriver …
08h51 – Valérie
J’attends toujours …
09h11 – Pépita
Alors tu en es où ?
Pao m’a envoyé un message mais je comprends rien… Elle nous dit que sur ta suggestion, elle préfère s’occuper de leur événement. Je sais pas si on va jouer dans son université à midi ??? J’attends sa réponse.
Valérie
Ben …. Pas passé du tout ! Grrrr avant il y a un groupe de Cumbia Grrrrr
Pépita
Hahahahaha
Mais ce matin tu as fait le journal ? C’était bien ?
Valérie
Mais non ! Suis à la TV depuis ce matin !Pépita
Mais non !!! Incroyable !!!
Avec Frédéric au moins ?
Valérie
Oui heureusement Frédéric est là, on rigole ensemble !!!
Dis à Pao qu’on doit faire cette générale pour Hugo !!! Pour nous !!! Demande lui ou c’est !
C’est sur qu’ils vont être de moins en moins DISPO mais … on doit résister ! Et jouer !!! Déjà on joue pas à Cartagena …
Pépita
Ca marche ! J’insiste. Par message et ensuite j’irai sur place.
Valérie
Oui car ma suggestion c’était pour la TV !!! ET je fais ça pour eux !!!
Oui lâche rien !!!
09h51 – Pépita
Alors ?
Valérie
On est toujours pas passé !!! Toute cette fatigue pour …. Grrrr hahahaha
Pépita
Rrrrrrr
Bon au moins, on joue bien à l’université de Pao, ouf ! Elle vient de confirmer.
Elle a déjà tout déménagé sauf les instruments et les tabourets.
J’attends sa réponse pour savoir quand et où.
10h14 – Valérie
On attend toujours !!! Tu es à la maison ! Si oui prend mon sac avec mon texte et mes habits : t-shirt short et sous pantalon ! Dans mon sac à dos ! On gagnera du temps !! J’irai directement là où il faut aller ! Grrrrr
Pépita
Je suis tjs à la maison.
Mais je t’attends ici c’est le mieux.
Car on sait toujours pas où on va.
Je vais écrire notre épisode du jour.
Valérie
Tant mieux pour toi hihihi
Pépita
Je t’attends ici car je sais pas ce que je vais faire là-bas. Ils n’y sont pas !!!
On les rejoindra ensemble.
Valérie
Ben je risque d’arriver TRÈS TARD car après je vais faire une radio !!!!
Pépita
Hein ?
C’est sur ça ?
10h31 – Valérie
On est passé ! On sort de la TV !
Et depuis plus de nouvelles … allons-nous jouer ce midi ? Où ? Devant qui ? Petit aperçu de nos journées colombiennes ! Et zut, finalement on ne jouera pas à Cartagène car ils ont trop de choses à préparer pour leur nouveau lieu en ruine qu’ils inaugurent dans moins d’une semaine !! Et en même temps, c’est essentiel qu’ils se concentrent sur ce lieu.
Tout ce qu’ils font est essentiel et exceptionnel par rapport à la situation locale et nous, on combat tranquillement et sous la chaleur nos habitudes d’européens !!!
Bon, je fais quoi ? J’y vais ? J’attends ici ?
….
15h01 – On vient de faire notre première représentation dans une université devant 20 étudiants ! YOUHOUUUUU !!! On a eu très chaud, on a beaucoup ri (intérieurement bien sûr) et on s’est régalé ! Tout est à finir maintenant, la malle, la marionnette, les lumières, etc. etc.
Échanges avec eux après le spectacle, une douceur émerveillée nous entoure.
mercredi 26 septembre 2018
Et si on envoyait des cartes à tous nos amis ? On ferait tirer une photo de nous et un petit mot ! Chose dite chose faite. Nous écrivons nos cartes et demandons où est la poste ? « Mais il n’y a pas de poste ici ! » Comment ? « Ben oui, à cause de la corruption, ils ont fermé la poste il y a des années, maintenant c’est des sociétés privées qui s’en occupent !! Et les timbres sont horriblement chers, vous ne pourrez pas envoyer vos 200 cartes ! » On ne se laisse pas vaincre et partons dans la ville pour chercher ces fameuses boutiques privées. La première nous dit que pour une carte c’est 50 euros…… Gloups… Tant pis on continue, transpire, transpire, et on en fait d’autres jusqu’à trouver celle qui fait le timbre, euh les timbres à 1 euro !! Nous restons dans la boutique à coller nos timbres et il fait 17 degrés ! Ils adorent la clim… Le service public ! Symboliquement ne pas pourvoir envoyer du courrier…
Passage chez nos amis de Cofradia. Six ouvriers sont en train de tout casser, de tout repeindre. Ils vont très vite ! L’ouverture du lieu c’est vendredi. Et ils vont y arriver ! Nous sentons une allégresse dans l’équipe !! Ça fourmille !!!
Le soir filage sans décor, dans une pièce nettoyée de la poussière ambiante, du Malade Imaginé, euh de El Enfermo Imaginado. Ils sont prêts ! Ils sont heureux, ça fait du bien de les voir contents d’eux-mêmes.
Nous avons décidé d’offrir le Romeo et Juliette à nos hôtes Fernando et Emma.
Fernando est artiste plasticien et Emma se cherche entre l’art en espace public, l’art plastique, le tarot, le social, les paysages, l’art traditionnel de chez elle, l’Australie, etc. Elle est très « prolifique » comme dit Fernando avec des yeux d’amour !
Et voici Romeo y Julieta dans sa version la plus légère et intime. Et hop la deuxième dans un appartement. J’étais carrément plus dedans. Je me régale à essayer d’être plus précise et subtile, en rythmes avec les personnages de Valérie. Un joli écho accompagne mon accordéon !! Génial !!! Pépita
Et voilà, on a joué dans une maison et c’était génial !! Plus fin, intime, plus d’émotions ! Pépita assure ! Elle a un clown génial ! Il est 2h du mat ! On va enfin se coucher et pour vous il est 8h hihihi. Valérie
jeudi 27 septembre 2018
Levées pas si tard, dormi peu. Ca y est, on a le rythme d’ici !
Rendez-vous chez nos amis de Cofradia pour le grand jour : ce soir ils jouent dans le théâtre de l’université Atlantico leur Enfermo Imaginado !!!
En attendant, nous sommes invitées à déjeuner chez eux une délicieuse soupe. Le lieu est plein de gravât. Les ouvriers viennent de casser un mur et d’ouvrir deux pièces qui seront le théâtre où NOUS jouerons demain soir !! Ca bouillonne mais on y croit, ils seront prêts !! DEMAIN !!! A quelques heures de la représentation, une immense pluie tropicale nous empêche de partir pour l’université car les rues sont bloquées. Une rivière se serait formée ? Nous attendons impatiemment le départ, le compte à rebours est lancé ! Il est 14h, ils jouent à 19h …
Ca y est, c’est parti et c’est très loin, à une heure du centre !!
Nous y voilà ! Grand campus, immense auditorium MAIS il fait 12 degrés ! Un choc thermique énorme qui nous fait tourner la tête. Pépita et moi devons sortir vite car on ne se sent pas bien et on demande d’éteindre cette clim terrifiante.
Nous revenons peu de temps après pour les aider à réparer les costumes. Nous sommes à 4h du spectacle et rien n’est prêt… Je m’inquiète un peu du temps qui passe vite et vers 17h, Nivaldo m’appelle pour m’expliquer LA situation…
Il a décidé de ne pas jouer car il n’y a pas de lumière… ??? En effet, les projecteurs ne fonctionnent pas, seulement deux latéraux et trois en fond de scène ! Et aucun technicien du lieu n’est là pour nous aider, seulement des « gens » qui ne connaissent rien à la technique !!!
J’écoute Nivaldo et lui propose de jouer avec ce qu’on a.
Je pars dehors fumer une cigarette et quand nous revenons Nivaldo, très affecté, me dit que c’est sur il ne veut pas jouer !
S’en suit un long moment de discussion (grand moment de solitude) où je lui donne mon opinion « il faut jouer ». La dernière fois qu’ils devaient montrer el Enfermo Imaginado dans le théâtre de los Bellas Artes, un toit s’est effondré et les Beaux-Arts ont été fermé à 3 h du spectacle !
Ce n’est pas possible d’annuler une deuxième fois.
J’entends tous les arguments de Nivaldo, très déstabilisé et très touché par l’absence de lumière et d’interlocuteur… très blessé par tout ce qu’il vit depuis des années dans sa propre ville, tous les sacrifices qu’ils fond, lui et son équipe, pour continuer à croire en ce métier…
C’est très très difficile le théâtre ici, presque absent et c’est vraiment une lutte de chaque jour de croire en ce métier et … de le faire…
Nous sommes en pleine confusion et émotion. Les acteurs pleurent et nous ne comprenons plus rien ou nous comprenons tout.
On ne sait plus… Vont-ils jouer ?
Frédéric le directeur de l’alliance et Jorge le coordinateur culturel nous rejoignent et nous recommençons à discuter.
Le public va arriver dans une heure et ???
Nous parlons de l’importance et de la nécessité de l’art ici et ailleurs.
Revirement de situation, Nivaldo décide de jouer mais cette fois-ci c’est les acteurs qui ne veulent plus jouer ! Wahouuuu
Emotion car nous les comprenons.
Et en même temps le public va arriver d’une minute à l’autre de très loin…
Discussion …..…
Finalement, le choix est pris : ils joueront !
Ils vont jouer sans avoir répéter sur le plateau, sans lumière, sans artifice, sans s’échauffer… Et Nivaldo décide de garder la lumière de la salle, sur le public, allumée en signe de résistance.
Cela n’aide pas le public à entrer dans le spectacle. Le noir de la salle est là pour mettre le plateau dans un écrin et pour permettre la concentration. Les acteurs donnent tout ce qu’ils ont mais ils sont épuisés et le rythme du spectacle s’en ressent. Et il fait un froid intense à grelotter.
Après les applaudissements, Nivaldo fait un discours très touchant sur la difficulté d’être un artiste à Barranquilla. Pépita et moi sommes très tendues par toutes ces émotions. Nous rentrons dans notre havre de paix où nous retrouvons nos hôtes Fernando et Emma qui nous font du bien.
Nous allons essayer de dormir car demain, c’est nous qui jouons et … on ne sait pas ce qui va arriver…
vendredi 28 septembre 2018
Grand Jour… C’est l’ouverture du lieu de nos amis et nous jouons ce soir !!!!
Wouhouuuuuu
Nous rejoignons l’équipe sur le lieu !!
C’est le BIG chantier ! Nivaldo et toute son équipe courent partout !
Rien n’est prêt ! Ça tourbillonne, bouillonne… On décide de partir répéter chez nous pour garder
du calme en nous et pour ne pas s’épuiser dans le relationnel.
Petit passage au resto libanais, on devient des habituées ! Pépita s’est fait copine avec Jorge, le super serveur !!! Marion nous accompagne. Elle était Bénévole la dernière fois qu’on a fait Avignon. Elle a traversé la Colombie pour nous rejoindre Elle devient notre super
assistante ! Après-midi à répéter, musique, texte, Yoga. L’ouverture du lieu est à 18h. On y est pour 16h. Dans un petit coin nous avons nos affaires regroupées.
Un groupe de théâtre de Santa Marta répète sur le petit plateau qu’ils garderont jusqu’à 30 minutes avant notre représentation… alors impossible de faire ne serait-ce qu’une petite balance son, lumière ou des essais sur scène ! hahahaha
Adaptation…..
18h05 – ça y est, ils sont prêts !!!
C’est très émouvant de voir un lieu naitre ! Pao fait un très beau discours d’ouverture… Quelle classe cette femme ! J’adore ! Nivaldo, complètement épuisé la regarde avec fierté et amour… Ils ont réussi à ouvrir leur lieu, leur théâtre… Le premier spectacle commence ! C’EST PARTI !!!!!!!
Pépita me suggère de commencer à se maquiller. Elle a raison car après, tout va se dérouler très
très vite ! Dans un petit coin, on sort nos éponges, nos pinceaux et on commence à voir
apparaître nos personnages !!!
Et le Trac nous prend…. C’est intense ici…
Une très belle complicité avec Pépita nous fait avoir un immense fou-rire !! Hahahaha mais que
faisons nous là dans un tout petit coin à se maquiller avec un tout petit miroir de poche ?!!!
A peine fini le maquillage, applaudissements et c’est à nous !!!! HAHAHA on a une demi-heure
pour installer notre décor et faire notre « création lumière » hihihi.
Hugo s’en chargera avec 4 Par à led à la face qui change de couleur et trois mini-projo au milieu
de la scène. Il est venu voir notre première représentation à l’université dans une toute petite
salle, sans aucune lumière.
On vient vite nous demander si on est prêt !
Euh, ben, euh.. pas tout de suite ! Il faut faire le son aussi !
Je n’ai jamais vécu un tel tourbillon théâtral !! Peut être que certains musiciens reconnaitront ce
que nous vivons ! Et hop je branche ma guitare et c’est parti !!!
OK, Hugo est prêt.
Pépita est prête, elle est très belle avec son costume et ses lunettes rondes !!!
Il fait 40 degrés… on donne le TOP….
Pépita seule sur scène joue de l’accordéon pendant l’entrée public. Séraphin (mon personnage)
entre en scène !! Clin d’oeil à Cupidon (le personnage de Pépita) et à Hugo.
Tout se passe bien ! Séraphin improvise avec les spectateurs qui sont assis sur des chaises blanches en plastique.
Du coup il faut adapter toutes les scènes qui normalement sont au sol, en direct !!!!!
Je dégouline, des gouttes de sueur giclent sur le plateau ! Le public nous suit !!! J’ai quelques trous de mémoire rattrapés par Pépita qui a l’oeil sur le texte tout en jouant !! C’est une représentation chaotique mais géniale !!! Il y a du bruit pendant tout le spectacle car des personnes boivent des bières dehors sur le parvis … Je lutte un peu avec tout ce bruit, cette chaleur étouffante, ce tout petit plateau mais j’arrive à garder le plaisir, la folie, la fantaisie de ce si beau spectacle !!! Pépita assure (elle me dit après qu’elle a fait quelques fausses notes !!! hahahaha dans ce tourbillon qui a vu quoi ?!!!). Hugo assure à la lumière !! Dingue, il improvise en direct !! Le public répond avec enthousiasme dès que je leur demande s’ils me comprennent avec mon accent très français !
Wahouuuuu c’est la fin !!!! On a la tête qui tourne !! ON L’A FAIT ! LO HICIMOS !!!
Les deux anges gardiens Pépita et Hugo ont vraiment été géniaux !! On est heureuses ! Entourées de Jorge, Frédéric, Paola, Nivaldo, Andréa, Brandon…. Nuestra familia colombiana !
Un groupe de musique cubaine joue dehors !
On range notre matériel, on se démaquille et on sort pour voir le groupe. Plus de musique, ils avaient la permission que jusqu’à Minuit !!! Bon on les verra demain !! Ah, d’ailleurs c’est mon anniversaire ! hihi
OUF …… on en revient pas !!!!
Grande discussion sous les étoiles et dans la chaleur….
Epuisées, on se couche heureuses…
samedi 29 septembre 2018
Ça y est, nous avons adopté Barranquilla qui devient notre quotidien. On connaît notre chemin, on a nos habitudes dans nos restos et magasins et on retrouve tous les jours nos amis, la familia de Teatro de Cofradia y de la Alianza francesa ! C’est incroyable comme l’humain s’adapte et s’attache rapidement. Après-demain, on s’en va… Après notre petit-déjeuner habituel coloré des fruits d’ici (maracuya, lulo, pitaya, …), on se dirige vers notre « lieu de travail », el nuevo lugar de Cofradia pour répéter. Le coin loge a été réorganisé avec le nom des artistes sur les murs et on apprend que ce soir nous serons nombreux pour le deuxième jour de la Verbena Teatral, leur festival d’inauguration ! La programmation est grande et recherchée !! Mais à quelle heure allons-nous jouer, suspens … Oh ! Il y a maintenant un gradin à la place des gravats, c’est incroyable !!! Et un beau plateau de danse à l’extérieur. MAGIA ! Ils ont travaillé la nuit ??? Côté artistes, ça bouillonne et l’on croise des magnifiques danseurs de Bogota, des élégants chanteurs d’opérateurs, des acteurs de Carnaval, des magiciens … C’EST PARTI !!! Quelle fierté de faire partie de cette magnifique aventure ! Normalement nous jouons les deuxièmes, après les danseurs vers 20h. Mais … Grosse panne électrique, toute la maison se retrouve dans le noir, on sort les bougies et les téléphones portables et … Tenemos que esperar ! L’équipe assure et adapte la programmation, tout ce qui peut se faire dehors sans lumière s’enchainera. Nous, on attend sur le plateau, à l’intérieur dans le noir, avec notre cher Hugo – technicien – qui nous rassure. Les heures passent et on n’ose pas aller voir les autres spectacles car à tout moment on peut jouer !!!! Les cubains chantent sur le parvis, le son fonctionne mais pas les lumières ??? Les spectateurs solidaires éclairent les chanteuses avec leurs téléphones portables. Le TOP est donné ! Il est onze heures du soir ! C’est à nous dans 20 minutes. Ah bon ? Les lumières sont revenues ? Ok ! On court, décor, lumières, son, mais où sont le short et la cagoule de Séraphin ? Ils ont disparu et ce soir Séraphin se transforme en rappeur, bonnet de Freddy et short en jean ! Listas ! Vous pouvez faire entrer le public. Oh ils sont nombreux ! Il va faire chaud !!! Séraphin entre en scène et ils éclatent de rire ! C’est beaucoup mieux que hier ! Quelle émotion d’entendre les rires du public ! Quelle magie de jouer en espagnol !! Pépita est toujours aussi bien ! Notre duo est très complice, ce qui nous permet de nous tromper et de recommencer une scène car le micro ne fonctionne pas ! hahaha. Apres les applaudissements heureux des spectateurs nous courrons pour laisser la place à un opéra !! Hop, notre décor est évacué en 5mn ! Mais où est ma clarinette ? Je la retrouve plus tard sur un bureau ! Wahou quelle folie !!! La naissance d’un théâtre. Nous nous démaquillons dans le noir en écoutant de jeunes chanteurs d’opéra ! Magnifique ! Et ce n’est pas fini, il est 1h du mat et un duo de clown de carnaval joue dehors ! Très traditionnel, le public chante avec eux !!! OUF… Nous sommes abasourdies de bonheur, épuisées… Nous n’irons pas danser à la Troja ce soir ! Il est trop tard… nous rentrons… Gracias a todos por este sueño loco! ¡Y eso continúa la aventura con Frédéric y Jorge de la Alianza Francesa, todo el equipo de Cofradia y la Agencia de Viajes Imaginarios !
Pao, Pépita, Frédéric, Nivaldo, Valérie, Jorge et Andrea
. . . FIN
JOURNAL DU VOYAGE EN COLOMBIE 2 > février 2018
Mercredi 21 février 2018
Et me revoilà sur la terre colombienne, cette fois-ci toute seule. Phil travaille son solo !! Et moi je reviens coacher nos amis de la Cie Cofradia.
Pour résumer, nous sommes venus en Juin 2017 pour offrir à cette Cie « Le Malade imaginé », un des spectacles de notre répertoire. Ils ont joué une fois à la fin de notre séjour.
Là, ils jouent le 2 Mars à Bellas Artes où nous avions fait la création.
Suis à l’hôtel, je comptais dormir après ce si long voyage mais j’avais oublié que la vie commence tôt ici. Dès six heures du matin, tout se met en route ! La rue avec ses machines, ses travaux, ses cris et l’hôtel avec son petit monde qui s’active.
Ca y est, suis amie avec la « dame qui ne fera pas ma chambre » (habitude de tournée, on essaye de les libérer et de ne pas faire faire sa chambre chaque jour en regardant bien qu’elles soient payées)
Cette nuit arrivée (six heures du mat, heure française) à l’aéroport, personne…
« hay alguien… me siento sola , solita.. »
Début du texte « El enfermo imaginado »
Bon, heureusement que j’avais gardé un tel au fond de mon portable qui avait encore de la batterie…
Ah oui, c’est vrai qu’on n’a pas la même temporalité !!
Adaptation, me voilà !
J’attends une heure Nivaldo au bord de la piscine, oui oui , un vieil hôtel un peu décrépi avec un magnifique jardin pour faire le point et mettre en route notre programme.
Je sais que je vais m’adapter et lâcher tout en restant vigilante et exigeante !!! Hahaha un vrai jeu d’équilibre !!!!
Je relis le texte en espagnol (que nous avons bien coupé) et tout me revient !
Arrivée de Nivaldo, très beau comme d’habitude derrière ses lunettes de soleil ! Et voilà qu’il me parle très très vite. Entre deux hochements de tête qui disent oui, je lui glisse que c’est mon premier jour et que je ne sais plus parler et encore moins le comprendre avec son gros accent !! Qu’importe, il continue !!!
Un taxi dans les rues colorées et nous voilà à Cofradia dans leur lieu ! Le décor est là, les acteurs aussi !! Embrassades, quelques questions et hop, Nivaldo disparaît pour régler les dernières affaires et être disponible demain… Cela me rappelle quelque chose !! Hahahaha je ris de ce décalage culturel
J’attends et j’apprends qu’il ne reviendra pas !!
En fait c’est une journée de SAS, d’adaptation où je sonde ma patience !!
Je pense à leur retard chronique Peut être que c’est eux qui ont raison, ils ont toujours quelque chose à faire en urgence au dernier moment !! ce qui veut dire qu’avant l’urgence ils prennent leur temps !! A réfléchir… j’avoue que je ne sais pas !
Dernier texto de Nivaldo (le directeur et metteur en scène de la compagnie) : « Manana 100%… » haha
Jeudi 22 février 2018
La vie commence quand on se lève tôt, très tôt !!
OK OK j’ai compris, moi qui aime me lever tard, c’est fini, en tout cas pour mon séjour colombien !! Avec le décalage horaire je me lève vers 6h 30 !
Rendez-vous avec le nouveau directeur de l’Alliance Française, Frédéric et notre grand ami Jorge qui travaille à l’Alliance depuis des années. Spécial dédicace à lui, si fidèle qui nous regarde avec passion. Autour d’un petit-déjeuner qui ressemble pour moi à un repas ! Viande, soupe, frites… haha.
Nous échangeons nos histoires de vie, d’envie.
Parlons beaucoup du théâtre ici… Très très difficile pour eux, pas d’aide, seulement du courage pour être artiste ! Frédéric veut que j’explique le système de l’intermittence en France. Oui… mais il y a aussi beaucoup d’artistes chez nous qui n’arrivent à vivre. Je vois le regard étonné de Nivaldo. Grand débat… Comment jouer ici ?
Nivaldo m’explique qu’ici c’est la patience qui gagne, il sème des graines et attend…
Par exemple, il est en train d’acheter une vieille maison où il va construire un théâtre et là, un jour, ils pourront jouer 3 mois d’affilée « El infermo imaginado »…
Immédiateté d’une vie très précaire et longévité des rêves. Bravo !
Suis touchée…
Rdv au théâtre pour le premier filage. Enfin ! J’ai besoin de savoir où en est le spectacle !!
Quatre acteurs sur scène dont un aphone, Brandon. Lyz, une actrice de la troupe, donne son texte. Suis très agréablement surprise au début puis petit à petit le spectacle se détend, les trous de mémoire s’accumulent. Bref heureusement qu’on joue dans 6 jours.
SIX grands jours.
Nous commencerons par répéter l’acte 3, le dernier acte après une loooooongue sieste.
Mon espagnol que je trouve très moyen me permet de les aider et ils me comprennent !
Les codes donnés au mois de Juin sont là.
La précision du corps et l’émotion.
Por favor ne criez pas ! C’est impossible.
Le dire et le re-dire, chercher le chemin de l’authenticité, de la juste vibration.
On avance bien et on finit plus tôt que prévu car Nivaldo a un rdv de travail. Un petit ange m’accompagne, Sylvia, une très jeune actrice de 17 ans qui en paraît 13. Elle tient le texte, un début de complicité naît.
Ca y est c’est parti, je resterais bien jusqu’à tard mais je dois me résoudre à suivre leur rythme.
Pas de taxi ce soir, on part à pied avec Andréa et Paula. Oh oui ! Besoin de savoir où je suis sur cette planète. Quel est mon quartier ? Où j’habite…. Besoin de marcher dans cette ville.
Cerveza à l’hôtel et confidence des actrices qui ont chacune un enfant de trois ans. Elles se lèvent tous les matins à 5 heures…
Je comprends la longue sieste…. Quel rythme, quel courage……
Vendredi 23 février 2018
Traversée de la ville à pied, je sais aller au théâtre seule !! Bien contente même si la pollution est extrême !!
C’est décidé, nous commencerons (et avons commencé !) par une bonne grande séance de Yoga chaque matin !
Nivaldo, le directeur et acteur qui joue Argan n’est pas là ce matin. On me fait dire qu’il a un problème avec son fils à l’université. Il reste un acteur aphone et deux actrices !
Matinée qui avance, précision du jeu. Je pourrais rester mille ans sur chaque scène mais je dois gérer le timing.
Repas au théâtre cuisiné avec amour par Nana, la nounou de Jéronimo le fis de la maison.
L’indispensable sieste pour eux et c’est reparti.
Nivaldo arrive vers 15h, je continue le chemin. On est sur l’acte 3 et il ne sait toujours pas son texte… J’essaye désespérément de dire aux autres acteurs qu’ils doivent apprendre à improviser dès qu’il a un trou mais pas facile pour eux. On refait 20 fois la scène mais ça ne rentre pas…
Gloups , je perds un peu patience et leur explique d’un ton plus sérieux qu’ils doivent se concentrer, que je suis venue les aider mais que je ne peux pas faire leur travail à leur place. Sept mois plus tard le texte n’est toujours pas su…. Je sais, Nivaldo le directeur doit gérer son équipe, donner des cours, courir chercher de l’argent…. Cela n’empêche que quand on est sur scène, on est sur scène et la concentration doit être au rendez-vous. Très difficile pour lui.
Je me remets tranquillement de ce moment de recadrage et on continue. Je dois affiner ma méthode, chercher une manière de lui faire comprendre et mémoriser ce texte. Je lui explique l’enjeu, le but, le sens…. Ca ne rentre pas … Alors je fais la méthode « on refait dès qu’il y a un trou » et petit à petit…
Pourvu que demain il n’oublie pas tout !
L’acteur a vraiment besoin de disponibilité dans sa tête pour être au moment présent.
Heureusement que les autres acteurs sont au rdv et que le chemin avance !!!!
Plus aucun problème avec la langue (pourtant, en deux jours !) sauf quand on se retrouve à l’hôtel devant une bière avec Paola et Andrea qui me parlent vite !!!
C’est très drôle qu’ils ne se rendent pas compte que je ne comprends pas !! Même quand je leur dis ils répètent aussi vite !
Alors je suis !!!!
Samedi 24 février 2018
J’apprends, j’apprends, j’apprends….
La patience …
Grande journée de répétitions…
J’essaye de leur donner tout ce que je sais et tout ce que je découvre avec eux.
Cela me demande une immense concentration et une paix intérieure.
Nous commençons par une grande séance de yoga. Cela nous permet à eux, comme à moi de rendre notre corps disponible à la journée, à l’instant présent.
Je leur parle beaucoup du métier d’acteur, de la technique et de la discipline qui est au centre du travail. L’improvisation, les émotions, la justesse, l’inventivité arrivent quand on est présent à l’autre, aux partenaires.
On fait et refait chaque scène.
Le repas dans leur petite cour est toujours un moment étrange pour moi. Personne ne parle, ils mangent et ils sont présents à la nourriture alors que moi j’ai envie de parler, de rigoler… et puis il y a la sieste sacrée. Quand je leur dis que je ne fais pas la sieste, ils me regardent avec de grands yeux étonnés. C’est impossible ici !!!
L’après-midi passe si vite que j’oublie de faire une pause !!
A la fin des répets, juste le temps de dire c’est fini, merci, on a bien travaillé et hop il n’y a plus personne !!
Mais où sont-ils ? Je les attends puis je pars dans la rue sac à dos ! Ils sont dans une petite tienda et boivent de la bière et du rhum ! Hahaha !! Je suis invitée à boire, à faire deux pas de danse !
Paola m’emmène chez le coiffeur !
Mais il est tard, il est sept heures du soir et on est samedi !!!
Au contraire, c’est bien, c’est le soir où tout le monde va chez le coiffeur !!
Ah bon ?
Alors allons y ! Toute petite boutique avec des mamies qui coupent les cheveux !! Un vieux monsieur aux beaux cheveux blancs entre et la coiffeuse lui coupe tout ! Cheveux, sourcils, poils dans les oreilles et moustache !!! Haha excellent !!
Ils ne veulent pas que je parte à pied et me commandent un Uber !
Tranquille, je monte dans la voiture et petit à petit une angoisse me prends. Je connais le chemin, c’est à coté et voilà que le monsieur part de l’autre côté de la ville ! Il ne suit plus son GPS. Je transpire… Je lui dis que ce n’est pas le bon chemin mais il m’embrouille en espagnol donc je ne comprends plus rien ! Je transpire ! Je lui dis que je vais à l’hôtel Genova et il me répond : « ah un Uber c’est mieux car vous auriez payé très cher pour aller dans cet hôtel ! » Gloups, j’aurais dû rien dire… Enfin au bout d’un temps qui me paraît infini, on revient dans le centre et là il me dit que je suis arrivée. Et non je ne reconnais rien ! Si si c’est là ! Non Monsieur, moi c’est carrera 44 calle 44 et on est à la calle 42…. Heureusement il reconnaît son erreur et enfin me ramène à bon port…
Oh lala il m’a fait peur celui-là.
C’est comme ces voitures qui ralentissent quand je marche et qui ont les vitres noires !!
Ah une bonne bière et relax ! Et hop surprise Jorge arrive avec un ami !!! Je peux débriefer avec eux de ma frayeur !!! Jorge dit que ce n’est pas normal !!! Ah bon ?
Dimanche 25 février 2018
Domingo, un beau dimanche… La ville est calme et paraît toute douce.
Aujourd’hui on répète à BELLAS ARTES dans le vrai théâtre. C’est dans ce magnifique lieu que nous avions répété en juin dernier, Phil, Yann et moi !!
C’est loin de l’hôtel et cela me permet de faire une virée rodéo avec ce taxi !! Haha, cette fois-ci je m’accroche à la portière tellement il va vite !!! Oh lala !!!
Arrivée dans ce palace avec ses grands jardins. Bellas Artes est le lieu des Beaux-Arts où tous les artistes de la ville sont réunis ! Grands arbres, oiseaux, graffitis, plein d’ateliers et une belle salle de spectacle ! Ca fait du bien car jusqu’à aujourd’hui on a répété chez Cofradia où le décor rentre à peine !
Visite tant attendue du nouveau lieu que Nivaldo et Paola vont acheter à 2mn de Bellas Artes dans la même rue !!! Quel courage !!
Pour l’instant, c’est une très vieille maison de plain-pied de 700 m. Avec du style !!
Nivaldo me fait la visite , comme un enfant heureux. Il imagine tout !!
Normalement si tout va bien, ils vont arriver à l’acheter en mars ! Wahouuuu
Il y a beaucoup de travaux et beaucoup d’imagination pour imaginer un théâtre mais je crois qu’ils vont y arriver !!! Bravo à eux !!!!
Retour au théâtre où on entame une longue journée !! On fait un filage arrêté. Liz qui fait le son a du mal à suivre ! Le matériel n’est pas au top et elle n’est pas technicienne ! C’est un métier !!!
A la pause je me promène dans le lieu et un grand sentiment de bonheur m’envahit. Je reconnais chaque coin, chaque arbre, chaque graffiti que j’ai pris en photo en juin.
Douceur de vie….
Très bonne répétition, on finit par un vrai filage !! Le niveau monte, je suis contente ! Ils sont tous très concentrés et Nivaldo est au rendez-vous.
Wahou, c’est beau de travailler dans un théâtre, un spectacle qui est déjà tout monté.
Comme une magicienne, j’appuie sur tel bouton puis sur un autre et j’huile la mécanique !!
J’adore !!!
Lundi 26 février 2018
Ca y est j’ai pris le rythme !!
Levée à 6h30 du mat !
Ca fait des grandes journées !! Retour hôtel 21H30 !!!
Nous voilà de retour à Cofradia pour répéter. Nous n’avons eu le théâtre qu’une journée hier, dimanche !
Nous reprenons le spectacle depuis le début et là…. C’est du petit bonheur !!! Reprendre chaque scène, ajouter des petits éléments qui feront un beau puzzle et continuer la transmission de ce sacré métier d’acteurs et d’actrices !
C’est passionnant et la troupe suit.
Aujourd’hui la voix de Brandon va mieux. Il ne parle pas encore sur scène mais il a l’air confiant ! Ouf !
Ce soir conférence à l’Alliance Française : « la vie intime d’une actrice ».
Deux heures d’échanges sur l’art et sur la vie qui sont indissociables ! Et en français car ceux sont des étudiants qui ont le niveau. Les yeux pétillent et moi je me régale !! Frédéric le directeur très sympa reste pour écouter !
Ils rient ! C’est gagné ! Les faire rêver et les faire vibrer… Tout est ouvert, du travail sur scène à la vie de notre troupe et …. à la vie intime !!!! Hahaha
Je rentre bien « agotada », bien fatiguée car à chaque fois je donne tout !!!
Mardi 27 février 2018
Comme chaque jour je traverse la ville pour aller à pied au théâtre. Petit moment que j’affectionne. Je reconnais les rues, les gens qui me saluent !!
Un journaliste est là pour commencer notre grande journée ! Très intéressant, il m’explique pourquoi Baranquilla est une ville si métissée, un port , ouverture au monde entier. La grand mère de son épouse est de Syrie. Nous parlons avec passion et devons arrêter car place aux répétitions !!!
Une heure de yoga comme chaque matin ! Inspira, expira…
Nivaldo est heureux, il retrouve son corps et fier me montre qu’il a maigri ! hihihi
Sylvia , très jeune actrice de 17 ans fera le son vendredi. Je passe un long temps à elle pour lui expliquer le feeling de chaque musique.
Un pasado, un filage. Je suis confiante malgré quelques trous de mémoire !!
Départ vers 19h à l’école où nivaldo coordonne toute la partie culturelle depuis 6 ans. Grande « conférence » devant 110 étudiants ! Ah un micro ? ok, improvisation… entre deux exercices de théâtre, je leur parle de la vie des artistes en France …. Eux ils n’ont rien seulement leur courage pour continuer…. Ils me disent tous Bravo et moi je leur dis immense MERCI d’exister … émotion…
Ce soir on va à « la Cueva » , lieu où Gabriel Garcia Marquez dans les années 40/50 passa ses soirées avec ses amis artistes et intellectuels….
Petit à petit je rentre dans la vie de Baranquilla…
Vendredi 2 mars 2018
Levée très tôt.
Arrivée à Bellas Artes, les Beaux Arts où nous allons jouer « El Enfermo imaginado » dans le théâtre.
Beaucoup de monde dehors, en fait presque tous les étudiants dans le jardin ? Je ne sais pourquoi.
Direction le plateau. Les lumières ne sont pas encore câblées. John s’y emploie. Le son n’est pas bon et bien on fera avec ce qu’il y a !
Tous les costumes sont refaits à neuf ! C’est ce qui est incroyable ici !
Tout se fait vite ! Et se fait !!
Ils ont acheté les artifices pour l’entrée du Docteur Purgon, loué une machine à fumée…Asterliss leur déco toujours très très efficace et très zen ! Tout est là… Le décor est bien monté.
Tous les billets, « boletas » ont été donné ! Il en manque déjà ! Des personnes de Théâtre de Cartagena et de Santa Marta vont venir !!!
L’ Alianza Francesa va faire un pot après le spectacle !
Une union de Bellas Artes qui nous prête le théâtre, de l’ Alianza Francesa, de la Cie Cofradia et de la Cie Agence de Voyages Imaginaires !
Quatre partenaires pour ce très beau projet !
Hier soir Jorge m’a aidé à traduire mon discours. Je le dirais après celui de Frédéric le directeur de l’Alliance.
En attendant que le plateau soit prêt, je sors voir ce qui se passe dehors : on m’explique que c’est une grande assemblée car les toits des ateliers de musique se sont effondrés. Tout le monde est autour d’une immense table. Le micro tourne, les télés sont là..
Bon allez, il faut se concentrer ! Je retourne au théâtre.
On commence à régler le son.
Je fais taire tout le monde car il y a beaucoup de bruit !!!
Sylvia, jeune actrice est dans la régie, Paola est sur scène . Le son n’est pas très bon mais ça ira !
Nivaldo surgit sur le plateau.
« LE spectacle ne se jouera pas, ils font évacuer tout les Beaux Arts »
Arrêt sur image….
AH ?
Bon ?
Brandon (acteur principal) pleure. C’est la première fois que sa mère a décidé de venir le voir. Tout le monde est ému.
Mais ? Pourquoi ? Quoi ? Comment ?
« Alors on va jouer ailleurs, on prend le décor ! Il reste deux jours avant mon départ, on a qu’à jouer à l’ Alianza dehors si il faut, mais on doit jouer »
Jorge parle avec Nivaldo.
Le choc doit être grand car pas de rebond. On plie le décor…
Nivaldo et Paola disparaissent. On me dit qu’ils sont à la banque ?
Surréel !
Première fois que je vis ça ! A 5 Heures du spectacle.
Je pars à pied à l’Alliance pour retrouver Jorge. Tout le monde s’active pour faire : communiqué de presse, envoie FB et réseaux sociaux… Il y a des personnes de Cartagena qui ont loué un hôtel…
Oh lalala c’est triste….
En fait des travaux avaient été fait à Bellas Artes mais à la va-vite et l’argent a été détourné….. Corruption.
Ils ne jouent pas souvent et ce soir devait être un grand soir autant pour l’Art que pour la visibilité de leur Compagnie.
Nivaldo et Paola me rejoignent dans l’après midi. Ils veulent que je partage leurs cerveza. Haha ! Non pas si tôt, gracias !!!!
Ils me montrent un papier avec fierté …C’est l’argent que la banque leur prête pour acheter leur lieu !!! C’est un lieu tout près de Bellas Artes qui sera leur futur théâtre.
Tout se mélange.
J’ai l’impression d’être dans un film ! Comme ils ont bien bu, ils parlent vite et je ne comprends plus rien…
On va au bord de la piscine à l’hôtel et ils parlent, ils parlent….
Une immense fatigue me tombe dessus. Comme si je tenais pour le spectacle… car en fait depuis mon arrivée je ne me suis pas arrêtée !!!
haha et j’aime ça !! Mais là… un petit tourbillon.
Ils partent et Andréa , Brandon et Jorge arrivent peu de temps après !!!
Oui suis ok pour boire cerveza ! haha.
Nous passons une très très belle, douce soirée à débriefer de tout… La vie d’un artiste ici. Très difficile car en fait, comme il n’y a pas de salles de théâtre et donc ils jouent très peu. Le seul gros théâtre est fermé ! Ils doivent louer les salles des universités ainsi que la matériel donc ils créent, jouent deux fois et arrêtent.
Dans le jardin de l’hôtel derrière nous un grand groupe
il y a des élections la semaine prochaine et chaque soir à l’hôtel il y a des groupes politiques qui viennent . On m’explique qu’ici, par exemple, si tu veux te faire refaire les dents, tu peux en échange de Trois voix !! Si Si ! Tu signes un papier comme quoi tu voteras pour tel candidat ! Et tout se fait comme ça ! Toit de maison, échange d’alcool, médecin……. Et tout le monde le sait… Wahou !!
On continue sous la pleine lune à regarder le monde. Ils rêvent de venir en France. Jorge leur dit qu’ils doivent commencer par apprendre la langue ! Il peut leur trouver des bourses pour étudier si ils ont un bon projet après. Jorge est vraiment si ouvert, si sensible….
Ce qui est beau c’est qu’ils ont des étoiles dans les yeux quand ils parlent de leur métier. C’est dur pour eux mais ils rêvent et continueront à rêver ! A se battre pour que le théâtre existe. BRAVO vraiment BRAVO.
La lune est belle…
Je vais me coucher… épuisée mais avec douceur…
Lundi 5 mars 2018
Week-end nostalgique car comme vous avez pu le lire nous n’avons pas joué !!
Impossible d’aller dans un autre lieu, de se retourner rapidement.
J’en prends mon partie et décide de suivre le cour de la vie
Samedi, toute la troupe vient me chercher et nous faisons ensemble le tour de la ville et de ses marchés ! Ils ont envie de me faire plaisir après cette aventure rocambolesque. Joyeusement ils me montrent leur rue, leur quartier, une cerveza à la main !!
Dans un petit marché, petit surprise des vieux Monsieur me jouent des airs d’ici . Accordéon et chant !!! Une aubade !!!
Ohhhhh suis touchée…
Dimanche après midi rdv à Cofradia pour voir la soutenance de Thèse de Poly. Elle n’a pas pu le faire aux Beaux Arts , et s’est réfugié chez la troupe !!
Wahou , quelle surprise !
« Cartas de suicidas por el papa Noel »
Deux acteurs autour de Poly pour raconter, dénoncer, crier, danser. La manipulation d’un père dans l’enfance d’une jeune fille. Un père qui finit par l’attacher comme un animal et joué avec elle comme un objet ! Très fort ! Très esthétique. Des acteurs au corps singuliers. Poly dépasse tous les genres et veut parler de tous…
Elle se réfère, entre autre, à Angelica Lidell qu’elle connaît par ses vidéos. Je suis impressionnée.
On me demande si son spectacle fait européen… Ben , non puisqu’il se fait ici !!!
Entre performance, théâtre, danse, transgenre ,vraie histoire..
Apres le spectacle Poly soutient devant une assemblée sa thèse !! Bravo !
Elle aura 4,5 /5 avec une mention !!!
C’est toujours singulier de noter une artiste mais bon. C’est dans un processus universitaire et elle le savait !
Dernière réunion avec la compagnie Cofradia pour parler du processus et faire un bilan.
Le plus difficile comme vous l’avez surement compris est de jouer car il n’y a pas de salles de spectacles à Barranquilla ( je crois qu’il y a un ou deux lieux tout petit).
Nous cherchons toutes les idées possibles.
Et ils vont jouer.
Nous parlons de notre métier, du cœur du sujet , des répétitions.
Comment aborder le travail de personnages, la recherche de l’émotion juste, la distance pour ne pas être réaliste….
Nous parlons du prochain projet que nous allons faire ensemble.
Avec ce spectacle qui est monté, je leur dis que nous avons un terrain de recherche pour tous les acteurs. Normalement le travail continue avec le public. Ils sont très étonnés quand je leur dis que Philippe, le metteur en scène nous a suivi pendant deux ans en tournée sans rien lâcher. Tous les jours , il nous faisait des retours de notes et avant de jouer il y a une séance de répétition. Et c’est comme ça pour tous les spectacles.j
Nivaldo me raconte la vie de la Compagnie, comment il aide les acteurs dans leur vie perso pour qu’ils continuent ce métier.
En fait c’est ça qui est fou : ils sont comme nous mais sans aucune aide financière.
Pas facile d’être un acteur ou une actrice dans cette ville.
Je leur donne le plus d’espoir possible. Ils sont très courageux et je sais que Nivaldo et Paola font tout pour leur Compagnie.
Je vais revenir bientôt !
En attendant, ils vont chercher des dates. Ils en ont déjà trouvé !!
La novela Colombiana s’arrête là. Je rentre à Marseille rejoindre mon groupe. Nous répétons jeudi et partons samedi en tournée c’est à dire demain.
La terre continue à tourner, les chercheurs sont toujours sur le chemin.
Je suis très fière et heureuse de cette aventure, nostalgique de les quitter.
Je voudrais fermer cet épisode en remerciant l’Institut Français, l’Alliance française, Bella Artes, la Cie Cofradia, L’Agence de Voyages Imaginaires qui permettent de continuer ce projet de transmission.
A tout ceux qui poursuivent leurs rêves et qui aident les autres à les réaliser !!
Valérie Bournet
. . . FIN
JOURNAL DU VOYAGE EN COLOMBIE 1 > juin 2017
Mardi 30 mai 2017
Minuit, valises bouclées, je vais me coucher après avoir vu War Machine, un nouveau film américain sur la bêtise des militaires et l’inutilité de la guerre. Brad Pitt est hilarant et prouve là qu’il est un grand acteur. Très beau numéro aussi de Ben Kingsley, dirigeant afghan… Très drôle et très émouvant. Bref, je règle mon réveil à 6h et passe une bonne partie de la nuit à faire la liste dans ma tête de tout ce que j’ai oublié et ce que je vais devoir préparer, et à me faire un petit auto-cours rapide d’espagnol.
À six heures, la lumière orange qui réveille la ville est très belle. À six heures et quart, il pleut. Je charge la voiture, relève le compteur EDF, dépose mes poubelles et fonce vers le Pôle Nord où je me gare. Le petit train m’amène à l’aéroport où j’embarque rapidement pour Paris Charles de Gaulle. Le temps de me connecter, de relancer quatre coproducteurs et et de répondre à quelques mails, mon avion pour Bogota est là. 10h de vol, quatre films, étude du texte du Malade en espagnol, révisions de la langue. Arrivée à 17h35 heure locale (minuit 35, heure française). Ma correspondance pour Baranquilla atterrît enfin à ma destination finale à 20h30. Luis Miguel m’amène à tombeau ouvert dans sa japonaise rouge à travers la nuit colombienne. Mon espagnol révisé sort de ma bouche comme des postillons par bribes laborieuses et je comprends la moitié de ce que me dit mon messager, dont la voix est de toutes façons couverte par la salsa qui hurle de la radio. Je retrouve avec plaisir les antiques bus multicolores, la chaleur et tout ce qui me dit : on y est !
On arrive à la universitad de las artes. Je retrouve Yann, Valérie, Nibaldo et une partie de sa troupe. L’équipe est très sympathique, et semble sur-motivée ! On échange comme on peut. Valérie se débrouille toujours comme si elle parlait couramment, en mettant l’un derrière l’autre toutes sortes de mots qui finalement forment des phrases que tout le monde comprend. Yann écarquille les yeux comme pour mieux entendre les dispositions que Nibaldo nous donne pour demain et toute la cession.
23h : ça fait 24 heures que je me suis levé… Luis Miguel nous amène, nous arrête dans le quartier de l’hôtel où tout est ouvert. On achète mangues, bananes et arepa (galette) de maïs ou fromage.
Petite bière à l’hôtel avec Val et Yann, on fait le point… on se rassure…
À la lumière du néon, je défait mes bagages dans ma chambre surchaude, mets la clim à fond et, minuit de là-bas, tache de m’endormir comme dans un moteur d’avion. 2h du mat, je me gèle, j’éteins la clim mais le bruit ne cesse pas ??? Ma fenêtre donne sur un puits de lumière dans lequel est installé un énorme moteur de clim…
5h : la famille voisine se réveille ; téléphone, parle de choses et d’autres avec beaucoup de gaieté, comme s’ils étaient contents d’avoir un nouveau voisin…
6h : je me lève, ouvre les rideaux mais rien ne change, je me penche et voit que mon puits de lumière est chapeauté par un toit qui filtre presque à 100% la lumière du matin. Je rallume mon néon, prend une bonne douche et descend à la réception pour demander une autre chambre…
A suivre…
Besos
Phil
Jeudi 1er Juin 2017
J’adore ma nouvelle chambre ! De l’autre côté du couloir !
C’était la nuit, c’est le jour !
Ce matin, jeudi 1 juin, après un desayuno de arepa con huevos (galette de maïs et œufs), départ en Uber pour Cofradia. Aujourd’hui on travaille dans le lieu de la compagnie parce que la salle de répètes de l’université a été désinfectée, elle doit être repeinte ce matin et cet aprem, il y est prévu le montage de la lumière… hum hum.. Ce soir, rien de tout ça n’était fait… Yann a juste réussi dans la journée à tracer le cercle au sol !
Arrivée vers 10h, perdus par un chauffeur d’Uber vénézuélien réfugié en Colombie parce que, d’après lui, c’est mieux ici, ce dont je doute. On est accueillis par une partie de l’équipe. Mais étrangement personne ne semble vraiment disposé à commencer quoi que ce soit… à pars Jexica qui avance bien sur les costumes. On arrive à coincer Nivaldo entre deux portes et à lui poser les questions cruciales du style “Quand est-ce qu’on commence ?” etc… Quand on a posé les questions cruciales, on propose de s’assoir pour discuter et tout le monde disparait !
On va manger un bout, Yann choisit de la chèvre, nous du poisson, des avocats et des mangues délicieux…
14h30 : Andréa et Paola sont toutes les deux là (on les tire de la sieste…) pour essayer le rôle féminin. À nous de choisir laquelle, l’autre jouera le rôle de Juilo (Jules)… Il doit faire 45° dans la salle de répètes, et nous transpirons à grosses goutes. En travaillant la 1ère scène, Argan / Tonita, on se rend compte à quel point notre travail est précis et exigeant, comment le corps raconte l’émotion et participe au jeu. 10 minutes de scène nous prenne deux heures. Chaque seconde de mouvement ou de jeu devient l’occasion d’exprimer notre vision des fondamentaux du théâtre (en espagnol, dico sous la main, c’est folklo…).
Brando, l’acteur qui doit jouer le rôle masculin, doit être là à 16h… mais on ne le voit pas et on continue à travailler avec les deux filles jusqu’à 18h30. Après discussion avec elle, Paola sera Julio, elle en est très contente, car même si c’est un rôle muet, c’est un rôle important et passionnant. Andréa sera Tonita, Angélica et Belisa.
Yann a réussi à réunir quelques accessoires, le projet de certains éléments des ensembles des “costumes et porte-costumes mobiles” est partagé par un scénographe que nos avons croisé en coup de vent… Nous avons commencé une liste de priorités en déco / costumes / accessoires…
Hier soir nous nous posons, épuisés, autour d’empenadas, guacamol y cervesa, avec notre ami Alberto.
Ce matin rdv à 8h pour démarrer les répètes avec tous…
À suivre !
Phil
Capsule audio du 2 juin de Valérie :
Samedi 3 juin 2017
La faculté de los bellas artes de Baranquilla est une ville ! Un ensemble d’impressionnants bâtiments coloniaux plus ou moins en bon état et de jardins, où se côtoient un millier d’étudiants en théâtre, arts plastique, musique, danse … , professeurs, gardiens, personnes à l’entretien etc… On est en pleine cession d’examens, ça grouille de projets, de répètes de toutes les disciplines.
À 8h, tous nos acteurs sont là. Notre salle de répétition comporte un petit gradin en bois d’une cinquantaine de places, le sol est planché et les murs ont bien été repeints en noir. 4 ou 5 spots sont installés au plafond avec du fil de fer mais insuffisants pour travailler, nous travaillons au néon. La clim de marche pas, il fait très chaud. Valérie et moi, nous dégageons chacun un coin du gradin pour s’installer.
Les quelques accessoires et le matériel qui devaient être là ce matin sont finalement restés au siège de la compagnie. Nous n”aurons pas l’atelier ici aujourd’hui, Yann part là-bas pour travailler, avec John, jeune régisseur lumière-accessoiriste.
Les exercices que nous proposons pour commencer, concentrer les acteurs et sonder leur niveau, nous révèlent une très petite exigence d’écriture corporelle et un grand manque de précision…
Nivaldo a la cinquantaine, il est le leader du groupe. Il a réussi le miracle dans ce pays de faire vivre une compagnie. Il est très occupé à 1000 choses. Il est très reconnaissant de notre venue, très conscient du cadeau que ça représente pour sa troupe, dans ce pays décousu… Quand il est là, il est très disposé à écouter les retours et se donne en entier à chercher à construire le personnage d’Argan. Paola, sa compagne, a 37 ans, elle joue Julio, le manipulateur. C’est un très bon choix. Paola est patiente, très sérieuse, très appliquée. Son rôle, le maitre de cérémonie lui convient parfaitement : elle devient le garant du jeu, pouvant intervenir à tout moment, y compris en soufflant le texte…
Andréa à 22 ans, elle est très douée. Il faut construire avec son inexpérience.
Brando a la vingtaine, nous avons à peine commencé à travailler avec lui. Il a un corps très bien placé, fait de très bonnes propositions dans la présentation de ces 6 personnages. J’ai l’impression que Brando ne fait qu’un repas par jour…
La Colombie fait partie du tiers monde. Beaucoup de pauvreté dans les rues peu entretenues et remplies de couleurs et d’architectures de toute sortes. De la cabane multicolore, à la petite maison rose, jaune, bleue, verte… avec jardinet, à la blanche et grande maison coloniale, et aux trottoirs carrelés, dont les racines des manguiers font par endroits exploser les carreaux… mini et grandes boutiques d’enpenadas à chaque coin de rue, musique de partout a tue-tête surtout le vendredi soir, y compris dans la chambre en face de la mienne (mon ancienne) remplie de jeunes festifs !!!
Les acteurs sont tous très motivés et très sympas. Nous travaillons jusqu’à 19h. Valérie et moi partageons sans cesse le plateau, quasiment sans nous le dire, nous nous remplaçons parfois pour diriger, mais travaillons quasiment tout le temps ensemble. Heureusement que nous sommes deux. Je m’occupe beaucoup de Nivaldo, Val des autres.Parfois l’un ou l’autre disparaissent. Parfois il ne reste plus qu’une personne, alors nous travaillons avec lui, nous remplaçons les manquants, nous ne perdons pas une seconde du peu de temps qui nous est offert pour… accompli ce miracle !
Le soir nous filons la moitié de l’acte I, c’était notre objectif. Ils ont tous, presque tout le temps, le texte à la main. Le jeu est parfois très approximatif mais la mise en scène, les déplacements sont très bien retenus.
Yann est revenu. Il a travaillé comme un fou toute la journée et a commencé à amener des éléments.
Aujourd’hui samedi, Nivaldo arrive à 18h… nous allons donc travailler sans lui et prolonger notre séance jusqu’à 21 ou 22h…
Aujourd’hui Béline et le notaire font leur entrée !
A suivre !
Phil
Capsule audio du 3 juin de Valérie :
Dimanche 4 juin 2017
Ah la la ! Les nuits du week-end colombien sont aussi colorées que les maisons ! Cette nuit, notre hôtel a encore accueilli un groupe de gamins qui ont adoré monter et descendre les escaliers en courant jusqu’à très très tard… Et sous nos fenêtres, un pauvre gars qui avait apparemment oublié ses clefs a passé la nuit à crier à l’intention de ses amis “Angela… Roméo…”. Au début c’était drôle… il est 6h du matin, sa voix est fatiguée mais il ne s’est pas démotivé…
Finalement, cette ville est très belle et très propre. Les Baranquillains prennent soin autant de leur maison, qui est bichonnée, joliment peinte et décorée, que de leurs rues, de leur devantures et de leur trottoirs. Dans la journée, c’est vraiment un plaisir de s’y promener… Enfin en tous cas le matin tôt sur le trajet qui mène de l’hôtel à la salle de répètes, à midi dans le quartier de la fac et le soir dans celui de l’hôtel…
Hier samedi 3, Nivaldo n’était pas là, nous avons donc avancé jusqu’au début de l’acte 2 sans lui. Les trois autres ont été magnifiques. Motivés, de bonne humeur et hyper concentrés. Le reste de l’équipe est aux petits soins pour le plateau. La salle est nettoyée tous les jours et on nous amène de l’eau. Jexica, dédiée aux costumes, travaille d’arrache-pied pour fournir le maximum d’éléments dans les temps. Liss s’occupe de l’intendance, de ranger la salle et remplace souvent et avec brio Nivaldo.
Hier soir la patinette d’Angélique est arrivée de l’atelier de ferronnerie. Elle est encore à l’état brut, a besoin de réglages, mais elle va être chouette. Cet atelier est situé dans un quartier chaud de Baranquilla et surtout très éloigné de nous : Yann perd beaucoup de temps à y aller et à trouver un taxi qui accepte de s’y rendre… Dans la fac, il y a des ateliers de menuiserie et de ferronnerie, mais Yann n’arrive pas à pouvoir y être introduit. On ne comprend pas trop pourquoi… Il travaille dehors avec du fil de fer et du scotch… et manque cruellement d’un poste à souder… mais il nous a quand même déjà amené la structure métallique des personnages de Béline et du notaire / nain ! Peut-être aujourd’hui aura-t-il accès à cet atelier dont on nous parle depuis le 1er jour… qui sait ?
Aujourd’hui, nous allons reprendre tout le travail d’hier avec Nivaldo / Argan et tacher de continuer jusqu’au milieu de l’acte 2. Nous travaillons le jeu et la mise en scène l’œil rivé sur la montre…
À suivre !
Phil
Lundi 5 juin 2017
Hier c’était dimanche. Le dimanche dans les rues, c’est la tranquilidad absolue, surtout à 7h du mat… les baranquillains ont fait la fête deux soirs de suite, ils récupèrent… Apparemment nos acteurs aussi, rdv à 8h, personne et porte close… il fait déjà très chaud, bien plus qu’à Marseille en plein midi au mois d’Août ! Ouf, une fenêtre est ouverte… on en profite pour se faire une bonne séance de yoga, ça fait du bien.
Ils sont là à 9h moins le quart…
À 9h on reprend avec Nivaldo et Andréa (Brando n’est pas là… Val le remplace) ce qui a été vu hier sans lui, du coup ça va assez vite. Mais il ne faut pas lâcher Nivaldo plus de 30 secondes sinon il disparaît… téléphoner ou s’occuper d’on ne sait quoi… Il est soucieux et très occupé… À un moment il sort en trombe, en plein milieu d’une scène pour aller s’occuper du poste à souder… Bon, il est directeur d’une compagnie en Colombie : faire vivre des acteurs ici tient du miracle et demande sans doute d’avoir la tête à beaucoup de choses… Bref, quand on le tient, on étire la répète au max. À 11h arrive Brando, à 12h30, on a remis Nivaldo au niveau de tous.
Yann nous livre de petits accessoires mais n’a toujours pas accès au poste à souder… Son atelier est dehors, devant notre porte. Nous on a un peu de clim, lui il a le chauffage à fond. Il est en nage du matin au soir.
Rdv à 14h pour la reprise. À midi, déjeuner d’avocats, bananes et mangues miam !
Le travail avance bien, mais on prend conscience que le spectacle devient très complexe à l’acte 2. Beaucoup de machines, beaucoup de texte, de monologues… on décide de couper un peu…
Tout le monde a disparu, Yann et moi nous endormons, Val se met aux coupes.
Vers 14h30 tout le monde revient mais ils n’ont pas mangé… qu’ont-ils fait ????
L’après-midi on attaque la suite, tout est à découvrir, ça devient plus laborieux. Andréa est très bien, elle comprend vite, elle est très gaie et avance bien. Brando est un peu comme Robert, l’acteur qui joue dans la version française, plein de possibilités, plein de propositions pour les personnages comiques, il faut aller le chercher pour l’émotion. Le travail le plus compliqué est avec Nivaldo parce que le personnage d’Argan est complexe… C’est un clown et tout tient à de toutes petites nuances et a beaucoup de retenue… Nivaldo est très motivé et très disponible quand il est là. Il est conscient du travail que ça représente e très reconnaissant mais c’est monsieur 100 000 volts, c’est un ogre mangeur d’énergie… Sur scène, il a beaucoup de présence, mais pèche en technique clownesque… malgré tout, à force de lui montrer il comprend et il essaye… et ça avance. Ils sont toujours tous adorables et hyper bien disposés !
Dans l’après-midi Asterlitz le scénographe (suis pas très sur de son nom…) nous livre les Diafoirus ! Très beau ! Le même que le nôtre !!! Paola, qui fait Jules (et qui est géniale) essaye avec Brando, c’est parfait, en 5 mn elle maitrise ! Il manque encore beaucoup de costumes mais on a les structures de Béline, du notaire nain, la trottinette et les Diaf. Il nous manque encore Purgon et Cléonte…
Dans l’aprem, Nivaldo me montre des échantillons de plastique – lino bleu pour le sol, de très beaux produits… Je lui rappelle que dans cette salle on n’a que 6 mètres… il dit que c’est pas grave, ils en feront un de 6 et un de 7 !
À 17h30, on pause. Rdv pour la reprise à 19h. Petit resto sympa musique à donf, on hurle pour se parler… pas super reposant. On est en retard sur notre planning. On décide de couper beaucoup plus. À 19h, il n’y a personne, on coupe 3 pages. À 20h, on essaye avec eux, c’est complexe d’enlever de grands pans mais ça marche… !
À 21h filage. Du début à la petite moitié de l’acte 2. Belle surprise, ils se souviennent quasiment de tout, on retrouve les qualités et les défauts de chacun et les scènes pèchent surtout à cause du rythme, mais quelque chose commence à apparaître…
Aujourd’hui Nivaldo n’est pas là avant 15h, Brando est absent de 14 à 17h et Andréa de 18 à 21h… On va composer avec tout ça !
À suivre !
Ah pas de wifi…
Ah pas d’eau… !
Phil
Capsule audio du 5 juin de Valérie :
Mardi 6 juin 2017
Rentrés à une heure du mat, on s’est donné ce matin un peu de temps pour récupérer, mais Amalia, qui nous fait les chambres et le petit déjeuner a absolument tenu à me donner mon linge propre à 7h… dommage j’aurais bien dormi jusqu’à 8 !
Hier lundi 5, la faculté Bellas Artes était à nouveau remplie d’étudiants, qui présentaient leurs travaux. Nous arrivons, comme prévu à 9h mais personne n’est là, et cette fois ci, la fenêtre est bien fermée. Andréa arrive la première. On fait un point avec Yann sur les accessoires et costumes manquants, il y en a encore beaucoup… Brando arrive peu après, on travaille avec les deux. Ils sont toujours aussi super, ils avancent vraiment bien. Une pluie diluvienne tombe sur la fac, ça apporte un peu de fraicheur et les mangues jonchent le sol…
À midi, comme il pleut toujours, on mange nos avocats, mangues et ananas à l’intérieur, puis je m’écroule à la sieste pendant que Val et Yann cherche des solutions pour faire avancer les accessoires.
L’après-midi, il n’y a plus qu’Andréa. Val et moi à tour de rôle jouons tous les autres personnages et dirigeons Andréa. On va jusqu’à la fin de l’acte 2, avec elle toute seule… pas facile sans les autres… on en profite pour travailler avec elle les détails du jeu. On continue à couper, car plus on avance plus on prend du retard. La trottinette ne fonctionne pas bien… on doit la modifier mais on n’a toujours pas de poste à souder… nous décidons d’en louer un mais Jexica et John qui travaillent avec nous sur Béline et d’autres accessoires ne savent pas où… nous ne trouvons pas de téléphone avec internet et ici pas de wifi…
En milieu d’après-midi, arrivent la moto de Cléonte et le socle de Purgon. Encore deux très belles pièces ! Béline est recouverte de mousse et Yann a terminé la structure des costumes des Diafoirus.
Nivaldo nous avait dit qu’il serait là à 15h, il arrive à 19h… Ici, les notions d’heures et de rdv sont aléatoires et Nivaldo toujours très pris. Andréa doit partir et Brando présente un spectacle de fin d’atelier dans une autre salle de la fac. Comme nous sommes cette fois-ci tout seuls avec Nivaldo, nous travaillons les moments purs clownesques. Il est très patient. Nous sentons qu’il est très fatigué. Il demande une pause, puis nous reprenons. Nous travaillons pas à pas avec lui, il comprend bien et avance bien.
Jexica me dit qu’elle a trouvé où louer un poste à souder… ça avance.
21h, à l’heure du filage, Nivaldo provoque une réunion entre tous leurs membres, le ton monte fort… nous sortons pour ne rien entendre… mais je crois comprendre sans comprendre qu’ils parlent de nous et de l’accueil qu’il se doivent de nous réserver…
On commence le filage à 22h15. Moins bien qu’hier, plus décousu, l’approximation due au manque de travail ressort très fort, à part certains moments. Nivaldo est trop dispersé, il me regarde après chaque réplique pour vérifier l’effet que ça me fait… je suis obligé de passer sur scène, derrière les acteurs, pour pouvoir me concentrer. Au cours des retours, nous leur rappelons que sur scène il faut se perdre, oublier le monde, se lâcher, tout donner. Sans ça on arrive à rien, que l’extérieur n’existe plus, que le monde n’existe plus, à part celui qu’on est en train de créer… qu’il n’y a aucun autre moyen de créer de la magie.
Ce matin, le rdv est à 10h. Il nous reste 4 jours. On doit finir le tour, et trouver le mode de présentation pour Samedi. Les textes seront encore souvent à la main, il y aura des souffleurs et Valérie et moi peut-être continuerons à intervenir en direct… à voir…
À suivre !
Phil
Capsule audio du 6 juin de Valérie :
Mercredi 7 juin 2017
Depuis lundi, une équipe de foot habite l’hôtel, avec les remplaçants, les entraineurs… ils sont très nombreux et sont tous habillés pareil… Ce matin à l’aube, j’ai l’impression qu’ils avaient décidé de faire un match dans le couloir… En Colombie, vouloir dormir est un challenge !
Nos 15 minutes à pied du matin nous permettent de nous délier, de voir la Colombie… et de faire nos petites courses. Et c’est chaque matin un bonheur d’entrer dans cette belle faculté Bellas Artes et ses jardins, toujours remplie de jeunes artistes, de belles têtes, de musique, de jeunes chercheurs… Nous croisons un plasticien qui fabrique des très beaux carnets, peinture, textes, découpages, collages… Bon bon bon… mardi 6, à 10h, nous sommes encore une fois les premiers et sans la clef… il fait très chaud ce matin… on est déjà en nage. Petit point avec Yann sur les urgences en déco.
On attaque avec les quatre (enfin!) vers 11h. Valérie et moi les coachons de près. À deux, on se partage les acteurs, les déplacements, le jeu, on les lâche pas. On les presse comme des citrons, on ne laisse rien passer et on avance.
Vers midi, nous voyons Yann désœuvré… On a toujours pas de poste à souder, il nous manque toujours plein de petites choses, il ne peut rien faire… je laisse continuer Val toute seule et demande à Liss (assistante, actrice, avec nous régisseuse son, filmeuse avec son téléphone, etc…) d’appeler Asterlitz, le déco, et Jexica, la costumière. Je leur dis que cette histoire de poste à souder et petits accessoires commence à me rendre fou ! Azterlitz dit qu’il doit arriver “en un rato”, ce qui veut dire ? Une demi-heure ? Une heure ? Jexica me dit 5 minutes… Ils arrivent tous les deux à 19h…
À Cofradia, dans cette troupe de théâtre, tout le monde est acteur, étudiant, professeur… il est évidemment impossible ici de n’avoir qu’un poste ou qu’une fonction. Du coup, tous ceux qui ne jouent pas deviennent un peu assistants, régisseurs, costumiers etc… mais personne ne peut vraiment prendre de décision : tout passe par Nivaldo. On essaye de s’adresser à d’autres que lui, qui est très occupé, on nous répond toujours : d’accord, je vais voir avec Nivaldo…
À 13h, mas o menos, on finit l’acte 2. Il pleut. Sardines, avocats, bananes avec notre copain Alberto, on commence à parler des vacances colombiennes qui nous attendent à la suite de ce marathon… ça fait rêver…
On décide de couper le 2ème interlude. Ouf, on saute une grosse difficulté ! L’après-midi, on attaque le 3ème acte, on avance bien. À 18h, Nivaldo et Andréa doivent partir. Rdv à 21h pour le filage. On reste avec Brando avec qui on peut travailler toute la partie mime de Béralde…
À 19h, Azterlitz nous livre le sol, quatre laies d’un très beau lino bleu reliées par des bandes velcros (à découper en cercle), la porte de feu, le porte manteau et un tas de petits accessoires. Toutes les pièces ressemblent étonnamment aux nôtres… Jexica continue à nous livrer des pièces de costumes. Finalement, petit à petit, tout arrive. C’est hallucinant comment ils peuvent en si peu de jours réaliser tout ça !! Ce qui est difficile pour nous depuis le début, c’est qu’on ne sait pas trop (et Yann a du mal à gérer tout seul parce qu’il parle peu espagnol…) mais en fait ils assurent à fond ! On fait le point avec Asterlitz, il est très tranquille (comme tout le monde ici…) et très rassurant. Même sur les pièces difficiles il n’est pas inquiet (comme personne ici…).
À 21h on doit filer mais Asterlitz et John (20 ans, assistant, acteur, régisseur lumière, étudiant) sont à la découpe du sol… Je demande combien de temps, ils me répondent : un ratito… à 23h, on attaque le filage.
Tout le monde est épuisé mais le filage est plutôt mieux qu’hier soir. Andréa et Brando assurent à fond. Ils sont excellents, apprennent leur texte, comprennent vite et sont toujours aussi bien disposés. Nivaldo est un peu en retard, il n’arrive pas à trouver le temps d’apprendre son texte, passe par des gouffres… mais il avance aussi et touche parfois de jolis moments de fragilité… Paola qui fait Jules le manipulateur est vraiment super. Le spectacle apparaît réellement, comme d’habitude c’est un moment magique… En principe demain on finit… Après, il nous restera deux jours pour peaufiner, enfin en tous cas pour essayer de faire en sorte qu’il n’y ait plus de moments comme il en existe encore plein pour l’instant où l’on chute dans des profondeurs abyssales… J
À suivre !
Phil
Capsule audio du 7 juin de Valérie :
Jeudi 8 juin 2017
Le personnage d’Argan est un personnage complexe, très proche de moi, c’est “mon clown”…. Valérie et moi nous posons la question de la passation de ce type de personnage, comment aider Nivaldo à trouver son propre chemin, son propre clown… Se pose la question de l’imitation et de ses limites. Ne pas imiter l’image, mais la fragilité intérieure… Comment l’aider à repérer ça ?
De plus, le principe du double jeu clownesque, l’un avec son partenaire, l’autre, différente, avec le public, avec qui il entretient une totale complicité, son immense sensibilité, et sa capacité enfantine de tomber dans de terribles colères comme d’éprouver d’immenses chagrins, le tout sans tomber dans du cabotinage ou des enfantillages… c’est pas simple à enseigner en peu de temps.
Hier, mercredi 7, quand nous arrivons à la faculté Bellas Artes, Nivaldo est en train de travailler tout seul dans un des jardins et tout le monde est déjà dans la salle de répètes !
Nous entamons la dernière partie du spectacle. Dans notre adaptation du Malade, l’acte 3 est très mixé, beaucoup de scènes se jouent en même temps. Argan est constamment pris entre deux feux, ce qui rend les scènes très complexes à monter parce que remplies de tops et de rendez-vous. Tout le spectacle est écrit comme une partition, cette partie est la plus dense.
Tout le monde est en forme et nous arrivons à avancer assez vite. Toutefois à 14h, nous n’avons pas fini, tous saturent d’informations et nous devons arrêter un peu.
Nous reprenons à 15h. Nivaldo nous accorde une demi-heure, nous réglons avec lui un passage où après sa fausse mort, Argan et Molière se confondent. Nous entrons dans une intimité tragique avec le double personnage, qui livrent leurs angoisses de mourir et à la fin de laquelle l’Auguste meurt étouffé par un confetti… Nivaldo trouve une justesse simple et très émouvante. Il nous dit qu’il sera de retour à 18h. Nous fabriquons toute la fin avec Andréa, Brando et Paola, allons manger des tacos et revenons pour 18h. À 19h, Liss nous informe que Nivaldo ne pourra pas être là avant 21h…
Il est toutefois de retour à 20h. On travaille avec lui sur le prologue. Du clown pur. C’est difficile, ce n’est pas son langage, mais il est toujours très volontaire, capable de faire et refaire, et pas à pas, il y touche ! On sent que ce n’est qu’une question de temps de travail…
Nivaldo a une soif terrible de travail. Toujours très positif, très gai et bourré d’énergie, il est très contrarié de ne pas pouvoir s’offrir toute la disponibilité nécessaire à ce travail. Il me raconte qu’il doit passer un temps fou à trouver et à conserver le financement de sa compagnie. Qu’il doit constamment être sur le pied de guerre. L’existence de sa compagnie ne tient qu’à un fil. Il me dit qu’il est entouré d’une équipe merveilleuse et c’est vrai, nous le vivons tous les jours. À l’extérieur de la salle de répète, c’est une ruche, ça travaille dur et toujours avec le sourire…
On commence le filage à 22h30 et tant bien que mal… on va jusqu’au bout !!! C’est déjà une réussite. Mais on n’y est pas encore. Le travail du jeu et de la mise en scène avance mais pas assez vite, beaucoup de trous, de vides… Il nous reste deux jours.
Il manque beaucoup d’accessoires, de costumes, de finitions. Les comédiens jouent souvent le texte à la main. Demain on devrait avoir la sono, pour travailler le son (demain, mañana, ici c’est le mot magique ! Quand est-ce que… ? Mañana ! ) et peut-être une liste de projecteurs pour pouvoir fabriquer la lumière… il nous reste deux jours…
À suivre !
Phil
Capsule audio du 8 juin de Valérie :
Vendredi 9 juin 2017
Hier, Jeudi 8, avant dernier jour. Tout le monde est là quand on arrive, sauf Brando, qui, nous l’apprenons, a ce matin une présentation publique des travaux de sa classe… Il arrive vers 14h, épuisé, il travaille depuis 7h du mat…
Avec Nivaldo, Paola et Andréa, nous reprenons du début et précisons chaque moment, travaillons sur le rythme, le jeu et habituons les acteurs à jouer avec le texte à la main sans interrompre le rythme. Nous continuons aussi à couper certains passages, notamment les solos d’Argan, le plus difficile dans le temps qui nous est donné… Ce qui fonctionne bien mieux, dans notre très court temps de travail, ce sont les scènes partagées. Nous avançons très bien… À 18h, nous avons revu les deux premiers actes. Les acteurs sont très fatigués mais ils s’accrochent, progressent et toujours avec le sourire.
À l’extérieur, l’atelier s’est encore agrandi. À la place du poste à souder, c’est le soudeur qui est venu ! John peint au pistolet toutes les structures (sans masque), Yann, Asterlits, Jexica et le soudeur avancent sur tout le reste. C’est vraiment hallucinant ! Toutes les pièces naissent sous nos yeux en quelques jours. C’est les mêmes que les nôtres !!!
Notre petit théâtre est constitué de la partie scène, qui fait environ 8m sur 8, et la partie public, constituée d’un petit gradin d’une vingtaine de places. Comme nous n’avons pas d’autre lieu, il est plein comme un œuf, la couture, les outils, les prototypes, les affaires de chacun, l’eau, le café, la nourriture, deux petites tables remplies de nos textes, ordis, stylos, cahiers… dans la journée, ça entre et ça sort, il y a beaucoup de vie autour et beaucoup de bruits. Hier, des étudiants fabriquaient une scène, ils ont percé du métal pendant des heures juste à côté de nous. Pour arriver à travailler, on doit faire abstraction de tout.
Notre lieu est toutefois toujours tenu très propre et régulièrement rangé.
On reprend les répètes vers 20h, mais on apprend qu’Andréa a une répétition jusqu’à 21h30… On avance, on avance…
22h, début du filage. Ça commence à s’enchainer de mieux en mieux même s’il y a encore des grands “trous” et certaines scènes qui restent difficiles… De temps en temps, ça tourne vraiment bien et on voit qu’avec le temps, on pourrait arriver à un très bon résultat.
Demain ce sera le dernier jour de répétition…
A suivre !
Phil
Capsule audio du 9 juin de Valérie :
Samedi 10 juin 2017
Aujourd’hui est le jour J.
Hier matin, vendredi 9, Valérie et moi sommes allés rencontrer et remercier Philippe Mouchet, directeur de l’Alliance Française de Barranquilla, qui, avec son assistant Jorge, ont aidé à porter ce projet. L’alliance est dans un joli quartier tranquille, il y a encore des voitures à cheval et des petites maisons colorées.
Nous parlons avec Philippe et Jorge des possibilités futures de continuer à développer ce projet à peine entamé… Une des premières idées serait d’aider la compagnie à trouver un théâtre, un lieu, qui pourrait accueillir le spectacle pour une longue série… trois semaines ??? ce qui n’existe évidemment pas ici, mais… porque no ?
À 11h, nous commençons à travailler avec Andréa, une demi-heure après avec Brando et Paola. Nivaldo vient nous avertir, dépité et malheureux, qu’il ne pourra pas être avec nous avant 14h. Nous revoyons avec les deux autres toutes les parties encore faibles et préparons les scènes dans lesquelles s’intègrera Nivaldo cet après-midi.
Yann travaille sur tous les fronts aux rectifications des pièces livrées et aux petits accessoires. Jexica et sa maman continuent à apporter des pièces de costumes jusqu’à l’heure du filage. Des petites mains européennes, Pascale, Noémie et Ched, sont venues participer aux finitions, dirigés par Esterlits, qui leur apprend une technique de papier mâché formidable, à partir de papier de sac de ciment et de colle fabriquée à base de colle à bois et farine d’avoine ! Le résultat est très beau !!!
Nivaldo est là à 16h. Nous revoyons tous les raccords prévus jusqu’à 19h. Les comédiens sont sur les genoux… ce soir c’est la générale. On a apporté toutes les rectifications qui devraient amener le spectacle à un niveau satisfaisant. Des projecteurs sont arrivés. Une douzaine de spots et quatre projecteurs à leds. Je fabrique un plan de feu. L’idée est que le montage et le réglage se fasse dans la nuit. Demain matin, conduite…
Ce soir, les comédiens prennent beaucoup de temps pour se reposer, manger… ils décident de se maquiller. Ils regardent les photos de nos maquillages et nous voyons naitre nos doubles… avec nos costumes et nos maquillages !!!
En attendant, John commence à monter les projecteurs. Antiques gamelles qu’il doit réparer l’une après l’autre. Il grimpe en équilibre sur le dernier double échelon de son échelle, se tient d’une main au grill et de l’autre attache son projo avec du fil de fer.
Le filage commence à 11h. Encore beaucoup de trous, d’oublis… Les deux jeunes acteurs, qui ont pratiquement toute leur disponibilité pour apprendre le texte, répéter la mise en scène entre eux, et avec qui nous avons le plus de possibilités de travail, s’en sortent assez bien, mais pour Nivaldo, qui a le rôle le plus complexe et qui a pu consacrer moins d’un mi-temps aux répètes, c’est difficile. Certaines scènes auraient demandé des heures de travail, pour pouvoir se lâcher, trouver son clown, son idiot, dirait Lars von Triers… sa sensibilité d’enfant. Dans le temps donné, Nivaldo ne peut traverser le spectacle que dans une grande tension, tachant de se rattraper comme il peut avec l’expérience et le bagage qu’il a… Difficile de se lâcher dans le personnage, le texte constamment à la main, difficile de se consacrer aux nuances.
Beaucoup de problèmes de rythme, le spectacle pédale… ça manque beaucoup d’émotion, pour une générale c’est assez catastrophique. Dans le taxi retour, on regrette de ne pas avoir été plus clair. On monte ce spectacle en dix jours avec des acteurs disponibles à plein temps. Ou alors on imagine un autre projet, une autre manière de faire… Et en même temps, on comprend aussi très bien Nivaldo, et on le soutient à 100% dans les efforts démesurés qu’il doit déployer pour faire exister sa compagnie en Colombie, l’art dans le monde.
Après le filage, tout le monde est épuisé. John renonce à continuer, il dit qu’il reprendra montage, réglage et connexion demain matin pour finir avant 11h, heure à laquelle nous devons reprendre…
À suivre
Phil
Capsule audio du 10 juin de Valérie :
Dimanche 11 juin 2017
Et voilà c’était hier, samedi 10 juin, que s’est terminé dans la joie, la fête et la salsa colombienne, ce marathon artistique et créatif !
Après quatre bonnes heures de sommeil, le matin quand nous arrivons, John n’a pas du tout fini d’installer la lumière… Nous décidons donc d’aller faire une lecture avec retours dans un des jardins de la fac. Nivaldo nous dit qu’ils ne peuvent pas rester parce qu’Andréa doit aller s’acheter des chaussures pour le spectacle ! Hallucinant. Parfois, ils ne se rendent vraiment pas compte du travail que représente ce challenge, et de la distance à laquelle on se trouve ce matin de là où on devra être ce soir ! On leur dit non, elle jouera avec ses anciennes chaussures et on se pose à l’ombre d’un grand palmier. Il fait 50°, Andréa fait la tête.
La lecture est très intéressante, elle nous permet de leur faire entendre et comprendre le rythme dans lequel les scènes doivent se jouer, et de préciser et corriger les intentions de jeu. Cet exercice nous amène à 14h30.
De retour à la salle de répètes, la fourmilière a repris son travail. La troupe a décidé de surélever les gradins avec des praticables de façon à pouvoir faire rentrer plus de public… les accessoires et costumes continuent à être préparés, poncés, peints, construits, inventés, rectifiés.
J’avale un repas en 10 minutes et je rejoins John pour l’aider à la lumière. Il lui manque trois projecteurs à monter mais tout le reste est connecté. Nous réglons rapidement et passons à la console. La console lumière est une antiquité fabriquée maison, constituée de 6 rhéostats circulaires et 3 linéaires et de quatre interrupteurs directs, le tout sans général, et dont une partie fonctionne…. Et j’ai par ailleurs un gradateur tout à fait moderne qui commande les quatre pars à leds, avec lesquels je peux travailler les quatre couleurs primaires… J’installe ma régie tant bien que mal, et repère mes commandes dans l’ordre très aléatoire que John a choisi. Je préfère ne pas lui demander de changer, je m’en accommoderai…
16h30, nous jouons dans 3h mais nous devons absolument faire quelques raccords sur des petits passages qui ne fonctionnent vraiment pas. Nivaldo me demande que toute la troupe puisse terminer le montage… les comédiens sont très occupés à faire le ménage, installer des guirlandes, monter le gradin etc… nous continuons à halluciner et les débauchons en leur disant qu’ils doivent absolument, 3h avant, se consacrer au spectacle, et que nous pourrons finir tout ça sans eux !
18h, nous les lâchons pour qu’ils se reposent un peu puis se préparent.
Val se met à l’écriture de notre discours de réception du public, aidée par Noémie. J’en profite pour faire la conduite lumière… c’est à dire, avec deux costumes posés au centre de la scène, fabriquer des ambiances, scène par scène, avec le matériel qui est à ma disposition. Je ne peux rien noter puisqu’il n’y a aucun repère. J’en fabrique quelques-uns sur la console, et enregistre dans ma mémoire les ambiances que je vais devoir recréer, à chaque changement en manipulant une dizaine de potars tous différents…
19h, les comédiens sont quasi prêts, les spectateurs commencent à arriver. 19h45 nous ouvrons les portes et tassons les très nombreux spectateurs dans la minuscule salle. Prévue pour 60, nous arrivons à en faire rentrer une bonne centaine !
Nous allons donner le top aux comédiens et c’est parti.
Le son, piloté par Yann, la lumière, même rudimentaire, les maquillages, les costumes et les accessoires quasi tous finis, apportent une magie certaine… Le jeu des acteurs est assez décontracté, et les spectateurs au bout d’une dizaine de minutes, se détendent, comprennent l’idée, le style et commencent à rire. Andréa est magnifique, inventive et très à l’écoute. Brando est un peu tendu, un peu appliqué mais lui aussi est très très bien, avec un corps parfaitement bien placé. Tous les deux connaissent pratiquement tout leur texte. Ces deux jeunes acteurs sont extraordinaires, nous avons eu beaucoup de chance de les avoir ! Paola fabrique un Jules très drôle, présent et tout en nuances. Et, alors qu’hier elle avait beaucoup oublié dans sa partition complexe d’entrées, sorties et déplacement d’accessoires, elle accomplit aujourd’hui un sans-faute. Nivaldo fait ce qu’il peut. Malgré tout le retard accumulé, qui lui fait parfois oublier le sens d’une scène ou d’une autre, parfois complètement perdu dans son texte où il n’arrive plus à retrouver la page, il s’en sort finalement assez bien. Il est très porté par les autres, et son Argan émouvant finit par parfois apparaître…
Le public adore. Les applaudissements sont chaleureux. La troupe s’est emparée du spectacle. S’ils arrivent à trouver le temps de continuer à travailler, à apprendre les textes, à répéter les enchainements, à affiner le jeu… s’aidant de la vidéo de la version française qu’on va leur laisser, ils auront entre les mains un bon spectacle, très original sur le continent latino-américain.
Nivaldo nous dit qu’il a vécu, à travers ce travail, une véritable renaissance de sa volonté d’être acteur, et qu’il compte désormais s’y vouer corps et âme… Nous parlons aussi de la troupe, de la difficulté d’exister, de vivre de ce métier, voire d’en survivre… Nous le félicitons encore pour tout son courage et sa volonté !
Nous finissons la soirée à La Troja, le temple assourdissant de la salsa. Ils sont heureux.
Ouf, cette mission était un peu folle, mais elle est accomplie…
Bravo à la petite équipe…
Val, Yann et Phil
Fin de cette aventure à suivre…
Epilogue
Hier dimanche 12, repos le matin… vers midi nous partons à Las Flores où nous avons rdv avec la troupe pour un bilan et parler d’avenir.
Las Flores, c’est le fleuve Magdalena qui se jette dans la mer. D’abord un long enchainement de restos typicos de toutes les couleurs où la musique déborde sur la piste en terre, qui elle mène à la plage. Sur la plage, là encore quelques restos rootsissimes, pas du tout touristiques, des vendeurs de tout, nomades, dans des tas d’engins mobiles sur la plage…
On mange de délicieux poissons grillés con patacones y arroz coco. On se baigne, l’eau est caliente. À 17h, la troupe n’est toujours pas là. On prend un petit chariot motorisé qui se déplace sur d’antiques rails et amène une quinzaine de voyageurs tout au bout d’une jetée de dix kilomètres. Le wagon nous laisse au cœur d’un village de cabanes qui semblent devoir s’envoler au moindre coup de vent. On finit à pied, les gens qui habitent là pèchent au cerf-volant… c’est le bout du monde.
Le soir, on va manger dans un petit resto, Nivaldo, Paola et Andréa nous rejoignent. On fait un point dans le hall de l’hôtel sur le travail accompli et leur livrons nos réflexions : comment continuer à les aider. Ils sont fatigués et écoutent. Pour notre part, nous sommes très satisfaits du travail accompli, avons été conquis par leur motivation et leur investissement, enchantés par cette résidence, passionnés par ce travail.
Par contre nous avons regretté que Nivaldo n’ai pas pu plus se libérer pour ce rôle difficile… Il nous redit ne pas avoir pu faire autrement, a dû faire face à des tas de problèmes que lui seul a pu résoudre, réalité de terrain… forcément à prendre en compte… On partage avec eux l’idée de jouer une longue série à la rentrée, Valérie pourrait revenir à l’occasion de cette reprise, à condition qu’ils aient pu trouver le temps de répéter, sans nous, à l’aide de la vidéo de la version française. Paola prendrait la direction du travail. Nivaldo souhaite fortement revenir en France et travailler avec moi pour clore la passation d’Argan… Je lui dis que c’est une bonne idée mais que je ne suis pas libre avant fin 2018… Pour eux c’est tellement loin… Réflexions et réponses à venir…
Dix jours plus tard… suite et suite… Après quelques escapades merveilleuses dans cet incroyable pays peuplé de gens accueillants, gentils, qui prennent le temps de vivre, aiment faire la fête et s’amuser entre eux, et avant de sauter dans l’avion qui va nous ramener à la vie normale, nous avons retrouvé la troupe pour refaire le point, au cas où…
Val peut revenir à condition qu’ils reprennent le boulot : apprentissage du texte, répètes de la mise en scène, précision et justesse des intentions de jeu… Ils nous apprennent que le spectacle va tourner dans des collèges dans une vingtaine de jours, que d’ici là ils sauront tous le texte. Qu’ensuite ils ont prévu des travaux d’agrandissement de leur lieu afin de pouvoir continuer à travailler le spectacle chez eux !
Nous nous mettons d’accord sur des dates en octobre pendant lesquelles Val pourrait revenir et eux prévoir une série de représentations.
Nivaldo insiste une fois de plus pour venir à Marseille… nous envisageons sa venue en septembre, pour observer les répètes du Conte et dégager quelques heures pour bosser avec lui sur Argan…
Ils nous rejoignent à l’aéroport pour nous inonder de petits cadeaux, nous remercier encore et nous redire tout leur bonheur de cette aventure…